ÉDITORIAL
Le choc énergétique
Vous êtes choqué-e ? Tout à coup, en l’espace de deux semaines, votre plein d’essence vous coûte le double ? Vous n’avez pas encore vu la suite… Même si certains experts ont remarqué que ces hausses importantes des prix des hydrocarbures n’ont jamais duré jamais longtemps dans l’histoire du dernier siècle, on pourrait rétorquer que certaines choses changent parfois.
Que faire ? Il est clair que le réflexe est de reconsidérer la manière de voyager, d’évaluer la pertinence de chacun de vos déplacements : est-ce pour travailler ? Pour des loisirs ? Personnels ou pour vos enfants ? Par paresse, pour éviter à vos enfants qui les 2-3 km de marche jusqu’à à l’école ? Des transports en commun passent-ils près de chez vous ou habitez-vous en pleine campagne ? Quid du covoiturage (avec quelqu’un qui pratique la même activité ou va dans la même direction que vous) ? Pouvez-vous utiliser plusieurs moyens de transport (bus, vélo, marche…) ? C’est le transport multimodal ; il nécessite en général des politiques publiques fortes, surtout dans les villes, pour offrir toute une variété d’options aux citoyens…
Le deuxième paramètre à réévaluer concerne vos postes budgétaires. Après tout, compte tenu de l’inflation galopante des mois passés, due à la rupture des chaines d’approvisionnement concomitante à une reprise de la demande, plusieurs d’entre nous ont priorisé certaines dépenses plutôt que d’autres. L’épicerie est une priorité ; payer le loyer ou l’hypothèque aussi ; garder une voiture, quasiment. Posséder le dernier jeu vidéo, la dernière technologie mobile, partir dans le Sud, pas vraiment. Objectivement. Et vous le savez. Consommer moins, est-ce vraiment si mauvais ?
À plus large échelle, nous pourrions prendre exemple sur l’Union européenne, qui ne consentira aucune subvention exceptionnelle aux citoyens européens, afin de compenser l’augmentation du prix de carburant. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’il y a une réelle volonté politique de pousser les gens à se tourner vers les véhicules hybrides, électriques, le covoiturage ou tout autre moyen plus écologique de se déplacer ! Il faut évidemment aussi des incitations… la carotte et le bâton. Dans un contexte de crise climatique, prenons un virage vert et accélérons la fameuse transition dont nous parlent les libéraux et les conservateurs, sans vraiment se donner les moyens de la promouvoir par des gestes concrets décisifs.
Et non, profiter de la guerre en Ukraine pour relancer la production, la transformation et l’utilisation du pétrole ou du gaz canadien n’est carrément pas une bonne idée, ni sur le fond (contribuer davantage aux changements climatiques ?) ni sur la forme (comment transporter cette production jusqu’en Europe ? Avec un pipeline transatlantique ?).
Enfin, même les plus fervents libertariens s’accordent sur le fait que l’État (fédéral ou provincial) devrait nous faire une remise directement, nous les consommateurs, un genre de subvention universelle pour compenser la hausse à la pompe. Fausse bonne idée. D’abord, pourquoi pas en fonction du revenu fiscal de chaque foyer? Et puis l’État n’est pas le problème : le Québec n’arrive que 31e sur les 35 pays de L’OCDE en termes de taxation du carburant. Mais il s’avère que, même avant la Guerre en Ukraine, ce sont les distributeurs (producteurs, raffineurs et détaillants) de carburant qui ont massivement augmenté leurs prix pour tout simplement augmenter leur marge de profit (de plus de 50 % !). Donc, à qui demande-t-on encore une fois de fournir l’effort ? Et à qui profite la situation ?