LETTRE
Le coin Fraser-Lucerne : une valeur écologique exceptionnelle
En 2012 et en 2013, nous avons participé à un inventaire de la biodiversité du quartier Deschênes. Le territoire étudié était bordé par la rue Fraser à l’ouest, le boulevard Lucerne au nord, le prolongement vers le sud du chemin Rivermead à l’est et la rivière des Outaouais au sud. Cet inventaire avait révélé une étonnante biodiversité, avec 932 espèces fauniques et floristiques.
À l’heure actuelle la ville de Gatineau a décidé de mettre en vente une parcellle de terrain situé à l’est du chemin Fraser et au sud du boul Lucerne et une autre parcelle situé à l’ouest de la rue Dorion et au sud du boulevard Lucerne est appelée à être développée à l’intérieur de la première parcelle, trois espèces de plantes sont en situation précaire, cinq autres espèces sont considérées comme vulnérables à la cueillette et deux espèces de reptiles sont légalement protégées par le Gouvernement fédéral. À l’intérieur de la seconde parcelle deux espèces de plantes sont également en situation précaire.
Dans le rapport d’inventaire nous avions recommandé : « d’accorder un statut de “zone de préservation de la biodiversité “ au Parc Riverain, en raison de la biodiversité importante qui s’y trouve. Le Parc Riverain (en 2012, nom officiel de la ville de Gatineau pour la zone du marais Lamoureux et des environs) est délimité à l’ouest par le chemin Fraser, au nord par le boulevard Lucerne, à l’est par les propriétés situées du côté ouest de la rue Dorion, et au sud par la rivière des Outaouais. Il inclut tout le tracé du corridor de transport planifié par le MTQ et les marais Lamoureux, des Rainettes et du Canard branchu ».
Nous avons donc été extrêmement étonnés de la décision de la Ville de Gatineau de procéder au développement de terrains ayant une valeur écologique exceptionnelle. Il s’agit d’un des rares endroits non construits en milieu urbain où on trouve un assemblage aussi varié de marais, marécages, affleurements rocheux, forêt inondable et chênaie. De plus, la ville a installé des pancartes dont le texte, approuvé par le conseil municipal, indique: “Ces milieux naturels font partie d’une zone importante pour la conservation de près de 270 espèces d’oiseaux. Plus de 930 espèces d’amphibiens, reptiles et mammifères, ainsi que plusieurs essences de plantes en péril, ont été observées dans les écosystèmes du quartier Deschênes. Contribuons à protéger cette riche biodiversité !” Trois de ces pancartes ont été installées précisément sur la parcelle qui est mise en vente le long de Fraser.
Enfin, lorsque nous avons fait l’inventaire de la zone étudiée, nous avons émis des recommandations quant à la conservation des espèces trouvées. L’une de ces recommandations est de protéger la zone terrestre sur une distance d’au moins 300 mètres autour de chacun des milieux humides car leur intégrité en dépend. Une telle bande permettrait de sauvegarder des aires d’hivernage et de reproduction d’espèces fragiles. Un milieu humide dont l’environnement terrestre n’est pas protégé dépérira inexorablement et perdra sa biodiversité. Or, une bande de protection de 300 mètres à partir du marais Lamoureux en allant vers l’ouest mène à la rue Fraser et à l’est elle mène jusqu’aux limites du développement prévu le long de la rue Dorion. Il nous apparait donc clair que le développement des deux secteurs en question aura un grave impact sur la biodiversité de l’ensemble du secteur, incluant les milieux humides.
Josée Soucie, biologiste,
Jean-Serge Vincent, géologue,
Claude Martineau, botaniste,
Jean-Pierre Artigau, biologiste,
et Gérard Desjardins, Gestionnaire d’Environnement Sterne
Gatineau