LETTRE
Le crucifix à l’immeuble Saint-Paul de l’École du village
Après sept ans au Québec, c’est fait. J’ai honte. J’ai mal au cœur de savoir que mon fils, qui fréquente l’immeuble Saint-Paul de l’École du village, où un crucifix est sculpté dans la roche de l’édifice même, ne verra pas son éducatrice croître dans sa carrière sans qu’elle abandonne son voile. Bahia, celle qui l’accueille chaleureusement chaque matin, est une perle. La première année de maternelle de mon fils a été un succès grâce à elle et à tous les employés de l’école. Mais c’est elle qui doit galérer, sans chance de croissance professionnelle ou de déplacement, pas àa cause de ce qu’il y a dans sa tête mais sur sa tête. Soyons honnête, cette loi est raciste et vise les minorités visibles plus lourdement que quelconque autre. Je comprends que c’est dur d’en parler, mais ce qui est plus dur à avaler c’est de savoir que, dans notre belle province, un immigrant est deux fois plus susceptible d’être sans-emploi qu’un québécois de souche. Et avec un diplôme universitaire? C’est trois fois. Pas étonnant que la femme de mon voisin, qui était médecin en Algérie, ait abandonné après quelques années de bâtons dans les roues et vienne de repartir dans son pays natal. Une chance que nous n’ayons pas de manque de médecins…
Et je ne parle même pas encore de disparité salariale. Vous saviez qu’un homme blanc né au Canada gagne environ 30 % plus qu’un homme appartenant à une minorité visible né au Canada? Cette disparité salariale est dans la même lignée que celle des États-Unis avant le mouvement des droits civils. On devrait tous avoir honte.
La représentation est importante pour moi. Je veux que mes enfants grandissent dans un environnement où des gens de toutes ethnicités, religions, et orientations sexuelles sont représentés et vus comme égaux. Par contre, en septembre, je vais devoir emmener mon fils à l’immeuble Saint-Paul et voir ce crucifix, sachant qu’au Québec, il y en a qui sont plus égaux que les autres. Vraiment, bravo!
Joanna Zal,
Aylmer