Le gouvernement fédéral doit démolir le rapport Yale comme l’a fait le Québec avec le plan Payette
Jour après jour, nous travaillons tous dur, nous essayons de subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles et, aussi fatigués que nous soyons face à l’augmentation des impôts, à la demande du gouvernement et à l’effritement des services, nous nous réconfortons les uns les autres en répétant le mantra selon lequel nous devrions être reconnaissants de vivre dans un pays libre. Mais la liberté n’est pas automatique. Elle a un prix. Et ce prix, c’est la vigilance. C’est à chacun d’entre nous d’être sur ses gardes. Le président John F. Kennedy aimait à répéter les mots de James Madison, qui disait : « Il y a plus de cas de réduction de la liberté du peuple par des empiètements progressifs et silencieux de ceux qui sont au pouvoir que par des usurpations violentes et soudaines ». Aujourd’hui, nous voudrions utiliser cet espace pour rallier nos lecteurs à la conscience de la menace d’une telle réduction de l’une de nos libertés les plus sacrées, la liberté de la presse. Et cette menace vient d’Ottawa.
Il y a dix jours, il a été révélé que le gouvernement Trudeau avait une commission permanente sur les médias dirigée par Janet Yale. Dimanche dernier, lors de la période de questions de CTV, le nouveau ministre fédéral du Patrimoine Steven Guilbeault a déclenché une tempête en informant les Canadiens que, parmi les 97 recommandations de ce rapport, il y en avait une qui demandait que toutes les entreprises qui fournissent « du contenu d’information audio, audiovisuel et alphanumérique » aux Canadiens soient réglementées par une forme quelconque de licence. Guilbeault a déclaré à Evan Solomon que « si vous êtes un distributeur de contenu au Canada et que vous êtes évidemment une très petite organisation médiatique, l’exigence ne serait probablement pas la même si vous êtes sur Facebook ou Google. Il faudrait qu’il y ait une certaine proportionnalité dans tout cela, mais nous demandons qu’ils aient une licence, oui ». Ces dix derniers mots ont déclenché le torrent de l’opposition.
Dans les jours qui ont suivi, M. Guilbeault et le premier ministre Trudeau ont tenté de revenir sur ces mots, ce dernier s’étant engagé à mettre en place une presse indépendante à la suite de questions brûlantes du chef de l’opposition Andrew Scheer. Mais le fait est que le rapport n’a pas été détruit. Il est toujours là. Et tant qu’il n’est pas renié, la menace demeure. Les propos de M. Guilbeault s’appliqueraient à tous les sites web. Y compris ceux des journaux. Chaque journal en a un. Et il ne s’agit que d’un saut et d’un passage de l’« autorisation » des médias électroniques à l’autorisation de la copie papier. Il a même été suggéré que la société d’État CBC détermine qui obtient une licence.
Ce n’est pas la première menace de ce genre contre une presse libre dans ce pays et au cours de cette décennie. Il y a tout juste neuf ans, l’éditeur de The Suburban, Michael Sochaczevski, et la rédactrice en chef Beryl Wajsman ont mené avec succès la lutte pour faire échouer le plan Payette du Québec. Ce plan prévoyait l’« enregistrement » de tous les journalistes, et que sans cet enregistrement approuvé, aucun journaliste ne pouvait écrire. Un des éléments de cette inscription était de passer un test de français même si vous n’écriviez pas pour un journal français. Il suffit de remplacer le mot « enregistrement » par le mot « licence » proposé par le gouvernement fédéral pour s’en rendre compte.
Ce journal combattra le Yale Report comme nous l’avons fait avec le plan Payette. Certains des mots que nous avons utilisés à l’époque méritent d’être répétés aujourd’hui. Lors d’une audition publique, un représentant de la Culture a déclaré : « Si vous livrez la vérité de manière fiable et cohérente, peu importe que vous soyez diplômé ou que vous payiez une cotisation à une association. Aucun niveau d’études ne fait de vous un journaliste. Seul le fait d’écrire des histoires fait de vous un journaliste ». Wajsman a déclaré :
« Les citoyens ont un droit inaliénable à un libre champ de bataille d’idées sans entraves de la part de la main lourde de l’État. C’est le bouclier d’une démocratie forte ».