ÉDITORIAL
« Le moins mauvais de tous les systèmes » (Churchill)
Dans son cours de sciences politiques au collégial, ma fille ainée travaille en ce moment sur la démocratie. Incroyable comme l’actualité nationale et internationale offre en ce moment de sujets de réflexion à ce sujet!
Toutefois, accordons nos violons d’abord, parce que tout le monde en parle, mais peu en connaissent véritablement la signification et les enjeux. Généralement, on entend par démocratie, « le régime politique où le peuple exerce lui-même sa souveraineté en élisant librement les représentants au pouvoir » (Larousse). Elle peut se décliner de bien des manières, plus ou moins populaires, directes ou représentatives de la population qui vote. Par exemple, on peut se rappeler qu’à Athènes, berceau de la démocratie, seuls votaient les hommes adultes citoyens de la cité, donc ni les esclaves, ni les étrangers, ni les femmes. Théoriquement, la démocratie a pour contraires l’aristocratie, la monarchie, l’oligarchie et la dictature; pourtant on s’accorde à dire que la monarchie constitutionnelle anglaise (ou canadienne) est une démocratie… parce que nous avons un parlement élu, dont fait d’ailleurs officiellement partie la reine (en fait son représentant, le Gouverneur général) au même titre que les députés. Dans notre démocratie, le pouvoir exécutif est partagé entre le souverain d’Angleterre (de père/mère en fils/fille) et le premier ministre « élu » indirectement. Les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) y sont préférablement séparés; pourtant, le gouvernement en place nomme les juges à la plus haute cour du pays, la Cour suprême. Et les premiers ministres ont l’habitude de détenir une majorité parlementaire en étant élus avec moins de 50 % des voix exprimées!
À côté de nous, dans moins d’un mois, nous connaitrons l’identité du nouveau président des États-Unis. En effet, les États-Unis sont une république avec un régime présidentiel. Ce pays est qualifié de plus grande démocratie au monde (en oubliant l’Inde), cependant le président lui-même n’est pas directement élu par les citoyens, mais bel et bien par un collège de « grands électeurs » censés représenter leur état. Par ailleurs, dans chaque état, les élections présidentielles sont accompagnées de multiples (parfois jusqu’à 50) consultations sous la forme de référendums. De la pure démocratie directe! Dans le système américain, aussi démocratique qu’il est, beaucoup de présidents sont millionnaires : les derniers (Obama, Clinton, Bush), comme les pères fondateurs (Washington, Jackson, Jefferson), jusqu’à Kennedy, qui était milliardaire. Le pouvoir aux riches, c’est de la « ploutocratie ». Et regardez où les Américains en sont aujourd’hui : aucun des deux candidats ne satisfait une majorité de citoyens dans les sondages; ils en sont réduits à devoir choisir entre Trump et Clinton.
Quant à l’Union européenne, entre la sortie de l’Angleterre par référendum et le refus du parlement wallon, en Belgique, de ratifier l’Accord économique et commercial global (AECG) avec le Canada, la démocratie est mise à l’épreuve dans un de ses fondements : la règle de la majorité. À combien l’établit-on? Quand demander une majorité relative, une majorité absolue? L’unanimité est-elle parfois ou toujours souhaitable? Ça vous rappelle un certain débat? L’UE a opté pour l’unanimité dans ses grandes décisions : les parlements des 28 pays membres se doivent d’agréer aux accords de libre-échange avec des pays extérieurs par exemple. Au risque de se retrouver bloqué par un seul parlement. C’est donc ça, la démocratie?
Au fond, admettons qu’aucun système démocratique n’est parfait par définition; que c’est un régime politique fragile dont il faut prendre soin en ne le dénigrant pas trop; et que chacun doit rester informé, vigilant et proactif pour être le mieux représenté possible.