ÉDITORIAL
Le nouveau visage de la CAQ ?
Pourquoi ne pas écrire sur un vrai sujet sérieux ? Pondre une bafouille de plus sur le CoVid-19 dont les effets, à ma grande surprise, s’avèrent plus graves que prévu ? Cependant, et malgré la tristesse du deuil qui l’accompagne, le monde n’arrête pas de tourner. En attendant que cette forme inquiétante de Coronavirus — je ne peux le dire sans sourire en pensant à la bière — décline, puis disparaisse, d’ici quelques semaines, autant se divertir un peu. Avec un sujet plus léger, mais qui nous concerne à tous au premier chef, et va nous poursuivre pendant une année entière : le budget du gouvernement caquiste de Legault.
Notre premier ministre québécois appartient à cette catégorie de politicien polymorphe, adaptatif, « pragmatique » comme il s’est lui-même qualifié, c’est-à-dire qui sent d’où vient le vent, s’y conforme plutôt que d’y opposer. Moins d’actions par principe que par souci de répondre aux désirs ou à la grogne populaire. Il y a là un parfum de démagogie savamment dosée.
Ainsi, contrairement à ce que prédisaient tous les experts, plusieurs secteurs de l’économie voient leur budget croître notablement. Ceux que l’on disait être des sortes de conservateurs nationalistes, dignes descendants de l’ADQ, adepte du désengagement de l’état et des baisses d’impôts, ont décidé d’utiliser avec parcimonie, mais intelligence les surplus financiers.
Des baisses d’impôts de (seulement) 182 millions. En santé, les dépenses augmenteront de 5,3 % (équivalent à un milliard d’investissements additionnels); en éducation, 6 milliards pour rénover et construire de nouvelles écoles d’ici à 2030 ; dans les services sociaux, près de 200 millions de dollars par an pour aider les personnes vulnérables : aînés, jeunes en difficulté, victimes de violence conjugale, parents d’enfants majeurs handicapés, autochtones, les immigrants à franciser ; et même dans la culture et les arts qui sont reconnus pour leur contribution à l’économie et à l’identité québécoise, avec un historique 100 millions par an. Plus de 6 milliards de dollars vont également à la lutte contre les changements climatiques (le double des libéraux de Couillard et Leitao), dont près de 70 % iront au transport et à l’électrification. Tous les partenaires reconnaissent les nouveaux et louables efforts du gouvernement, mais les jugent insuffisants et surtout peu précis : quid des conditions de travail des travailleurs sociaux par exemple ? Comment décourager l’achat des véhicules énergivores ou l’« auto-solo » ? Et la taxation des GAFA?
La CAQ semble donc sociale-démocrate, plus à gauche que libéraux. La CAQ opte donc pour un état plus interventionniste que régalien. La CAQ risque de faire mieux en termes d’écologie que les gouvernements des autres partis réunis en vingt ans. Il y a de quoi y perdre son latin, mais ne boudons pas notre plaisir, tout en nuançant un peu notre analyse quand même. Il ne faut pas non plus trop écouter l’autosatisfaction affichée par le ministre des Finances Girard, passage obligé de cet exercice de communication annuel.
Et surtout, souvenons-nous que ce paquet de mesures apparemment bien ficelées a été élaboré avant que le CoVid-19 ne s’intensifie, et alors que l’on n’en connait pas encore les conséquences économiques réelles à l’échelle mondiale comme nationale. Cette maladie va avoir un prix qui grugera forcément les excédents de Legault, et donc réduira sa marge de manœuvre plus prévue. Le problème est de savoir dans quelle proportion.