ÉDITORIAL
Le roi est mort, vive le roi!
Longtemps, en France, on passa d’un règne à un autre avec cette phrase. Aussitôt mort, un nouveau monarque était désigné. On ne chômait pas à l’époque : pas de primaires ni de « campagne » ou de « tour » pour voter (encore moins deux!). Le fils de… ou la fille de… s’asseyait quasi automatiquement sur le trône, avec l’accord d’une élite aristocratique, éduquée, riche et dans son bon droit. C’était plus rapide. Pas plus démocratique en revanche.
Aujourd’hui, cette même monarchie règne au Canada, parce qu’elle a su introduire de la démocratie dans le gouvernement de son pays au bon moment, au XVIIe, avec la création d’un parlement.
En France, la monarchie était absolue, elle n’a pas senti le vent tourner… Et les têtes ont roulé à la Révolution. Depuis, les Français, comme les Américains, ont opté pour une république. Il s’agit quand même aujourd’hui d’un régime présidentiel que plusieurs n’hésitent pas à qualifier de « monarchique », tant le président de la République dispose de pouvoirs : nommer le premier ministre et présider le conseil des ministres; entrer le code pour déclencher un tir nucléaire; être chef des armées; déclencher l’état d’urgence; accréditer les ambassadeurs et représenter le pays à l’étranger; soumettre certains projets de loi à un référendum; dissoudre l’Assemblée nationale (le pouvoir législatif); présider le conseil supérieur de la magistrature (le pouvoir judiciaire); gracier les prisonniers, etc. Il a vraiment beaucoup de pouvoirs.
Ce qui nécessite de la part des candidats à la présidence une stature, un charisme, des qualités et des compétences hors du commun… Mais également, ce qui peut attiser les ambitions. Or vous connaissez le dicton : « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. ». Nous, citoyens devons donc être vigilants pour ne pas installer n’importe qui au pouvoir; à condition d’être assez (bien) éduqué pour comprendre les enjeux globaux et locaux ou l’économie, pour pouvoir repérer les propos démagogiques et ne pas y céder.
Attention, je ne dis pas que la République française est une monarchie déguisée, quoique... Le scrutin se fait en deux tours, entre lesquels sont éliminés tous les candidats du premier tour sauf les deux ayant réuni le plus de voix. Et chaque Français compte pour une voix directement attribuée à son candidat, c’est le suffrage universel. Ensuite, au deuxième tour, est élu celui qui recueille la majorité absolue, c’est-à-dire plus de 50 % des voix (le fameux 50 + 1). Donc, le président est choisi avec une majorité des voix exprimées (malheureusement sans les bulletins nuls ou l’abstention), contrairement à nos premiers ministres ici, avec une majorité relative, une chambre qui les nomme et une reine qui valide ce choix. Le président de la République française est véritablement représentatif : imaginez-vous un Trudeau élu à 66 % comme Macron?
Cependant, à force de faire peur aux gens pour un oui ou pour non, d’agiter les épouvantails de l’extrême gauche (Mélenchon), de l’extrême droite (Marine Le Pen), on a fait croire que Macron représentait davantage la démocratie. Est-ce cas? Il est le symptôme de la société libérale, multiculturelle, mondialiste et bien-pensante qui est aussi aux commandes chez nous; il est le chouchou de ceux qui croit encore que l’on peut conjuguer capitalisme financier et justice sociale, protection des travailleurs et des gagne-petit et loi du marché. Ne nous leurrons pas : pour Macron, Trudeau ou Obama, pas de changement de paradigme au programme. « Tout est [presque] pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », nous disent-ils implicitement, comme le personnage de Voltaire. Leur optimisme béat nous sauvera.