ÉDITORIAL
Les élections, parlons-en ! (2)
L’essentiel à comprendre est que l’horizon de la politique partisane a considérablement changé ces dernières années. Le présent scrutin provincial tout autant que les élections ailleurs dans les sociétés démocratiques de l’hémisphère Nord viennent le confirmer.
Au Québec, les deux partis traditionnels depuis la Révolution tranquille sont en perte de vitesse au point d’être en voie de disparition ! Qui aurait dit au tournant des années 2000 que le Parti québécois et le Parti libéral descendraient en dessous des 10 % des voix exprimées ? Qu’un troisième parti « de droite », mais soucieux de protéger l’héritage social du mouvement souverainiste tiendrait fermement la barre du pouvoir ? Que les partis dominants de la course lors des élections de 2022 seraient ce même parti, la Coalition avenir Québec, un parti de gauche multiculturaliste et nationaliste, Québec solidaire, et un nouveau Parti conservateur plus proche des mouvements libertariens nord-américains ?
Ce qui m’étonne un peu depuis le début de la campagne, c’est que l’agenda des discussions soit passé de l’inflation et du pouvoir d’achat — compréhensible avec la guerre en Ukraine et les problèmes d’approvisionnement qui ont empiré depuis la pandémie — à la langue et l’immigration. En effet, on nous rebat les oreilles à chaque élection avec le thème de l’économie, comme si l’économie (souvent confondu avec la course à l’argent) gouvernait nos vies et faisait notre bonheur. Celui des grands patrons d’industrie, des traders et des banques, probablement : ils ne veulent surtout pas d’un changement de paradigme, de système… et ceci, à n’importe quel prix ! L’économie est l’arbre qui cache la forêt des vrais enjeux sociétaux.
Mais l’immigration et la langue ? Sont-ce vraiment les enjeux d’aujourd’hui ? Plutôt un instrument pour racoler les électeurs de droite et de gauche sensibles sur le sujet. On va régler ça vite fait : le Canada prévoit une immigration annuelle de 400 000 personnes dans les années à venir, le Québec, entre 35 et 80 000 (selon les partis en présence), dont environ les deux tiers francophones, au mieux. Bilan migratoire en faveur de l’anglais langue première : 320 000. Compte tenu du peu d’empressement des libéraux fédéraux de Trudeau à soutenir le français partout au Canada, tout est dit. Les immigrants sont une richesse pour un pays à tous les niveaux, à moyen et long terme, comment pourrais-je affirmer le contraire ? Mais la démographie et la loi du nombre feront loi.
Quant au manque d’enthousiasme de Legault vis-à-vis de cette élection, il est à l’image d’un parti poussif, qui se repose sur ses soi-disant lauriers (selon le site web de la CAQ, « le meilleur bilan de l’histoire », rien que ça !). Les caquistes n’offrent en réalité aucune vision à long terme, qui permette de relever les défis à venir ; juste de la gestion à la petite semaine, celle d’un bon père de famille venu du patriarcat des siècles passés.
La crise climatique, avec ses répercussions en termes de justice sociale et environnementale — car tout est lié — voilà le grand enjeu de notre temps ! Malheureusement, je n’ai pas la place de dresser la liste des engagements et des actions du gouvernement Legault qui explique le retard du Québec dans ce domaine, elle serait trop longue ! En ce qui me concerne, Legault rime avec Trudeau… et avec statu quo. Un malheur pour nous tous que l’on ne peut plus se permettre.