ÉDITORIAL
Madame la mairesse,
Eh oui, c’est possible ! Il encore temps d’embarquer, de suivre le mouvement et d’être dans les premières, après les 120 villes dans le monde qui l’appliquent déjà ! En tant que mairesse de la quatrième ville au Québec, ne désirez-vous pas être louée pour votre audace, pour votre vision d’avenir ? Faire la fierté de vos administrés pour votre bon sens écologique à l’heure de la crise climatique et du carburant à 2 $ ?
Je parle évidemment de rendre gratuit le transport collectif. Le Devoir nous apprenait la semaine dernière que de plus en plus de villes au Québec font ce choix et sont satisfaites. Justement, la STO ne se plaint-elle pas du manque d’usagers dans ses autobus, suite aux restrictions sanitaires de la CoVid-19 et à une certaine conception (erronée) que les transports collectifs aident à la propagation du virus? Or, les solutions pour pallier ce problème sont peu nombreuses : attendre que les Gatinois sortent de chez eux pour revenir physiquement — au moins à temps partiel —dans leur lieu de travail ? Lancer une campagne publicitaire ? Appliquer une baisse des tarifs ?
Justement, pourquoi ne pas continuer dans cette voie et aller jusqu’au bout de la démarche ? Beauharnois, Boischatel, Candiac, Carignan, Chambly, La Prairie, Richelieu, Sainte-Julie, Saint-Jérôme et d’autres ont adopté cette mesure démocratique et incitative dans les trois dernières années. Vous me rétorquerez : ce sont de petites villes. Peut-être, mais en quoi est-ce différent si l’on considère le transport comme un service essentiel et que les moins nantis n’ont parfois plus que cette option pour aller travailler, faire leur épicerie, etc.? Même en Amérique du Nord, où l’automobile est encore reine (pour combien de temps encore) ?
Oui madame, les autobus gratuits pour tous et en tout temps ! Les études prouvent que, dans cette situation, entre 25 % et 50 % des nouveaux usagers seraient des clients ayant laissé leur véhicule à la maison ; que le nombre de déplacements s’en trouverait au moins multiplié par 1,5 ; que certaines familles abandonneraient même carrément la voiture. Cela viendrait-il « cannibaliser » les autres transports actifs, comme la marche ou le vélo ? Cela dépend de la distance… Mais qui marche de toute façon pour aller travailler à Ottawa ?
Certes, et c’est le seul — gros — argument contre la gratuité, cela coutera cher à la ville. À Québec, par exemple, cette « dépense » se monterait à 80 millions de dollars, auxquels s’ajouteraient les frais d’achalandage. En d’autres mots, il faudrait prévoir une autre source de financement que l’achat des titres de transport par les usagers. Plusieurs modèles existent ailleurs, pourquoi ne pas s’en inspirer ? Une telle amélioration attirerait à moyen long terme encore davantage de nouveaux habitants, qui paieraient des taxes et consommeraient localement à hauteur de dizaines de millions de dollars ; une entreprise à proximité d’une station d’autobus pourrait payer une taxe municipale supplémentaire en fonction de sa masse salariale ; les organismes pourraient être incités à acheter des billets à leurs employés à un tarif préférentiel pour bénéficier d’une remise fiscale…
Au pire, pourquoi pas une gratuité partielle, pour les moins de 25 ans et les plus de 60 ans et/ou dehors de heures de pointe, en plus de la tarification sociale déjà en application ? Toutes les options sont encore sur la table, à nous de voir haut et loin, madame la mairesse !