ÉDITORIAL
Mais qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas ?
Parfois, la rage nous envahit. Quand la blessure est béante. Quand la douleur est trop forte. Les insultes et la violence sont alors un réflexe. Mais je n’y céderai pas aujourd’hui. Récemment, je regardai — avant de le lire — Steven Pinker dans un « TED-talk » et je voudrais à la fois garder l’optimisme lucide et l’approche objective de ce scientifique, dont la renommée tient à sa remarquable capacité à vulgariser les faits.
Revenons donc aux faits : les travaux d’agrandissement du pipeline Transmountain vont coûter en réalité la bagatelle 5,2 milliards de plus que prévu. Par conséquent, cet oléoduc aura coûté au contribuable canadien 5 milliards à l’achat ajoutés à 12 et quelques milliards d’agrandissements (dont 1 milliard avait déjà été comptabilisé dans l’achat initial), soit plus de 15 milliards de dollars. Commentaire du ministre des Finances (où est celui de l’environnement ?), reprenant à son compte les mots de la corporation Transmountain sans trop de vérification : ses travaux vont engendrer des bénéfices annuels avant impôts, intérêts et amortissements, « d’au moins 1,5 milliard de dollars » à partir de 2023. Donc, si les prix de ce pétrole le plus cher à extraire et transformer au monde restaient à leur niveau, il faudrait 10 ans pour rembourser l’achat et les réparations. Il serait éventuellement bénéficiaire en 2033. Tout cela dans un contexte où, pour contribuer au combat contre la crise climatique, le Canada devrait réduire avant 2030 ses GES de 30 % par rapport à ses émissions de 2005. Il va falloir en planter des arbres ! Attendez, d’ici là, le gouvernement Trudeau espère revendre Transmountain, donc il aurait en plus investi avec notre argent, afin que ses bénéfices aillent dans les poches d’une entreprise privée !
Mais ne soyons pas surpris, l’approche des libéraux n’est pas si différente de celle de la CAQ au niveau provincial (si, si…). En effet, avec un peu moins d’hypocrisie, mais tout autant de myopie, le ministre québécois de l’Environnement a dit vouloir effectuer une « transition juste » vers une économie verte. Benoit Charrette ne suivra pas les recommandations du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), qui fait pourtant autorité en la matière. En effet, il veut protéger la main d’œuvre québécoise. Tiens donc… je résume sa logique : réduire notre pollution nécessite des changements drastiques dans nos entreprises et notre économie, or, cela va impliquer des licenciements, donc c’est mauvais pour le pays. Pour un peu, je qualifierais ce raisonnement de simpliste. Se pourrait-il 1) que les changements se fassent parfois sans mises à pied? 2) que l’état et les institutions d’enseignement proposent des formations à coût réduit, voire nul, pour la reconversion des dits travailleurs? 3) qu’une économie verte crée des emplois plus qu’elle n’en fait disparaître? C’est prouvé : consultez la plateforme du Parti vert du Canada et vous y trouverez des faits et des chiffres qui proviennent d’études scientifiques, pas de l’ignorance malhonnête de quelques politiciens accrochés au pouvoir.
Au fond, ne sommes-nous pas le cœur du problème ? 74 % des Québécois-Québécoises reconnaissent « l’urgence d’agir », mais la moitié d’entre nous ne sont pas prêts à payer plus afin de lutter contre les changements climatiques. Naïveté, ignorance ou malhonnêteté? Pas étonnant alors que les « climato-mous » caquistes et les libéraux tiennent encore le haut du pavé à l’Assemblée nationale !