ÉDITORIAL
Maitre chez nous?
Parfois je suis fatigué de certains débats, comme celui sur les modalités de souveraineté (ou de séparation) qui occupe plus que jamais le Parti Québécois depuis le départ de PKP. Indépendance, séparation : oh, les gros mots!
Gros, ils le sont, puisqu’ils signifient un changement politique majeur dans un pays. Cependant, c’est étrange, quand on aborde le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes partout ailleurs dans le monde, on trouve cela légitime. Les Monténégrins, les Timorais, les Soudanais se sont séparés, la semaine dernière, les Anglais; les Catalans, les Écossais le voudraient. L’idée est acceptable vue du Canada, mais dès que la discussion porte sur le Québec, les poils se hérissent, le regard se durcit et les poings se serrent; on se prépare au combat contre ces « séparatistes » prêts à tout. Avouez que je ne suis pas loin de la réalité décrite par les médias du ROC… Bizarrement, CBC a banni ce mot de son vocabulaire pour parler du Brexit.
Souvenons-nous toutefois que Terre-Neuve et le Labrador se sont rattachés au Canada seulement en 1945, que l’Alberta ou la Saskatchewan ont longtemps pensé – et peut-être même encore – à se séparer de l’est du Canada, considéré comme un frein à leur croissance économique et leur enrichissement venant du pétrole? En avez-vous été choqué?
Bon, il est vrai qu’un habitant sur deux dans la région de l’Outaouais travaille dans la fonction publique et que le gouvernement du Canada est le premier employeur. Autant dire qu’en cas d’indépendance, vous seriez plusieurs (y compris ma propre épouse) à devoir choisir entre les deux nationalités pour continuer à travailler; beaucoup d’employés travaillant côté Québec seraient rapatriés en Ontario, ce qui sur le plan de l’aménagement et de l’économie locale auraient des répercussions non négligeables.
Mais revenons au PQ. D’abord, il est étonnant que ce sujet soit au premier plan de la campagne des prétendants à la chefferie. Après tout, l’article 1 du programme prévoit depuis toujours que « le Parti Québécois a pour objectif premier de réaliser la souveraineté du Québec à la suite d’une consultation de la population par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement » (article 1.1). C’est le fondement de l’existence du PQ, pourquoi en discuter encore? Le moment ne serait pas approprié, il faudrait préparer les Québécois, proposer un projet clair et précis, etc. Les excuses sont nombreuses. Il y a déjà eu deux référendums, aucun n’a été probant. On peut discuter des causes et des effets, mais chose certaine : si les Québécois avaient voulu l’indépendance, ils l’auraient montré d’une manière plus évidente, non?
Et puis, Mesdames et Messieurs du PQ, ne pensez-vous pas qu’en ramenant le débat sur cet aspect du programme, vous jouez le jeu de vos adversaires? 1) vous vous déchirez à propos d’un sujet sur lequel vous êtes d’accord (sinon, changez de parti) 2) vous oubliez le reste de votre programme. En fait, la finalité du PQ est suffisamment claire. Quand les électeurs votent pour vous, à quoi s’attendent-ils d’après vous? Alors, pourquoi y rajouter un référendum? Changez votre article liminaire et assumez enfin le fait que vous proposez l’indépendance. Si un jour, une majorité de Québécois « sup-portent » ce projet avec vous (pas juste en portant un tatouage fleurdelysé le 24 juin), alors une majorité votera pour vous, et ce sera aussi pour ce projet révolutionnaire qui n’arrive qu’une seule fois dans l’histoire d’un pays. La logique peut paraître simple, mais elle a été choisie par les Catalans et écarterait tous les bavardages stériles des 30 dernières années au Canada.