ÉDITORIAL
Mieux vaut s’étrangler que se trumper
Trump! Comment éviter le sujet? Maintenant que la poussière est un peu retombée, parlons-en. Le cas du milliardaire misogyne, xénophobe et ignorant, est exceptionnel, même s’il vient confirmer une tendance lourde aux États-Unis et dans nos démocraties occidentales, à savoir le retour du populisme (j’y consacrerai un éditorial un d’ici peu).
Un peu d’histoire d’abord. Le seul précédent dans l’histoire des États-Unis d’un président populiste et antisystème est Andrew Jackson, l’un des pères fondateurs de la première république des temps modernes, une république esclavagiste (le problème racial aux états est donc profond). Il fut élu président en 1828. Les deux hommes blancs ont plusieurs points communs : énergiques, fonceurs, impétueux et même brutaux, ils sont contre la grande finance de New York, menacent leurs adversaires d’utiliser la force, sont plébiscités par les classes pauvres et ouvrières de l’Ouest, sont honnis par leur propre parti et par les élites de la côte est. Leurs différences? Jackson est d’extraction modeste alors que Trump est un fils à papa millionnaire devenu milliardaire; l’un est un homme de l’ouest, l’autre, un homme de l’Est. Jackson est un autodidacte à l’honnêteté scrupuleuse. Soldat dès 13 ans lors de la guerre d’indépendance, il est devenu général), premier représentant (« député ») du Tennessee; et a essayé plusieurs fois avant de réussir à être élu président; il fut l’un des fondateurs du parti démocrate et défendit l’imposition de droits de douane (une sorte d’impôt) avec la Caroline du Sud. Dès lors, la question se pose: Trump saura-t-il comme son illustre prédécesseur redorer le blason du gouvernement (Jackson avait stoppé la corruption généralisée du fédéral), s’opposer au congrès qui, bien que républicain, voit d’un mauvais œil ses projets de dépenses publiques? En tout cas, on peut donner trois grandes raisons à sa surprenante victoire.
1) l’opposition à la mondialisation, symbolisée par les accords de libre-échange et par New York et ses grands argentiers (banques, bourses, firmes multinationales...), à un certain « establishment » incarné par l’autre candidate : Hillary Clinton. Entre la désindustrialisation néo-libérale des 40 dernières années qui a laissé sur le carreau des millions de travailleurs et les soubresauts des marchés financiers, qui ont conduit à la faillite de milliers de citoyens, tout le monde en a simplement assez. Ainsi, les syndicats ouvriers américains soutiennent absolument le président désigné pour renégocier les accords comme l’ALENA (avec le Mexique et le Canada). Ironie suprême pour le candidat d’un parti qui défend traditionnellement les intérêts des plus riches, qui a promis des baisses d’impôts… aux mêmes riches et reste célèbre pour sa capacité à mettre à la porte ses employés.
2) Le déni du caractère multiculturel grandissant du pays, où d’ici une génération les Africains-Américains, les Latino-Américains et autres minorités seront plus nombreux que les blancs; malheureusement, 30 % des Latino-Américains ont quand même voté pour Trump et les Africains-Américains ne se sont pas reconnus dans Hillary… Ça laisse pensif. Tous les experts prévoient néanmoins des gains démocrates dans les états du sud-ouest des États-Unis d’ici une décennie, la population latino-américaine y sera majoritaire. Racisme, xénophobie et intolérance religieuse ont été renforcés par un emballement migratoire ces dernières années, suite aux guerres en Afrique et au Moyen-Orient et au terrorisme islamiste. Les gens en place ont peur, les nouveaux arrivants font bloc avec leur communauté naturellement et encore plus devant l’animosité ambiante.
3) Dans le doute, au moment de choisir le bulletin, beaucoup ont préféré un homme plutôt qu’une femme, y compris les femmes elles-mêmes, dont 50 % ont voté pour Trump. Les stéréotypes ont la vie dure… Pas de commentaires.