ÉDITORIAL
« Moi, j’rappe pour les Noirs, les Arabes et les Blancs » (Kery James)
Incroyables images! Pour le Nouvel An, les présentateurs chinois d’une émission regardée par 800 millions de personnes ont maquillé et costumé des actrices en noir, afin de se moquer des relations sino-africaines. C’est d’un racisme que l’on ne voit plus au Canada. Toutefois, rappelons-nous que pour une majorité de la population mondiale, il existe encore bel et bien des « races » différentes d’humains. Sans même forcément croire à la supériorité de l’une sur les autres, ajoutez-y un zeste de nationalisme et vous obtenez aisément de la xénophobie.
Reste que février est le mois de l’histoire des noirs au Canada (depuis 1995, 1987 au Royaume-Uni et 1976 aux États-Unis). Une manière de renvoyer l’ascenseur à nos congénères noirs, après les avoirs exploités longtemps et écartés de la vie publique jusqu’à récemment. Son origine? La Negro History Week, crée en 1926, par l’historien Carter Godwin Woodson pour célébrer l’anniversaire du président américain qui a aboli l’esclavage, Abraham Lincoln et de l’abolitionniste noir Frédérick Douglas. Je l’admets, non seulement il ne faut pas oublier ce que les noirs ont vécu, mais il faut aussi l’enseigner, faire l’effort d’en parler, année après année. Dommage que l’initiative vienne des universités américaines, d’où vient aussi la vague de politiquement correct que l’on connaît.
Je propose de faire la même chose pour les asiatiques – on revient à eux – les Chinois, qui ont servi de « cheap labor » au XIXe siècle, puis les Japonais que le gouvernement du Canada a internés, enfants comme adultes, pendant la deuxième guerre mondiale pour cause d’espionnage potentiel. Et pourquoi pas pour les Slaves qui ont fait de notre pays le premier fournisseur de maïs au monde grâce à leurs exploitations agricoles? On s’occupe à peine des autochtones…
Je voulais surtout saisir l’occasion, parce que Black Panther est sorti au cinéma!! Ce film serait le premier film de superhéros avec une distribution intégralement noire. Marvel a fait un grand coup de marketing en laissant croire qu’il s’agit là d’un manifeste contre le racisme et pour la reconnaissance de nos concitoyens noirs. Certes, l’action se déroule en Afrique, certes les femmes ont de beaux rôles, certes les différentes cultures africaines sont représentées, certes les Africains sont au pouvoir dans ce film, mais de quoi parle-t-on ici? Il y a une confusion totale entre être africain et noir. Ce serait comme amalgamer Asiatique et Chinois. Marvel est une compagnie dont le but est de faire du profit. Ils ont simplement trouvé un moyen de gagner davantage, après des productions de niveau variable et des succès relatifs ces dernières années. De plus, joue sur Netflix depuis plusieurs semaines Black Lightning, une série sur un superhéros noir, dont la fille aussi a des supers-pouvoirs, dans un environnement 100 % noir!
J’ai parfois le sentiment diffus qu’avec les meilleures intentions, le désir de réparer les erreurs du passé se change en flagornerie face aux communautés. Personnellement, je ne me sens pas blanc d’abord. Mais il est vrai que je n’appartiens pas à minorité visible, je n’ai pas à subir certains regards ou insultes… Dès lors, ai-je encore le droit d’utiliser le mot « noir »? Ou plutôt dois-je dire « Canadien africain »? « Afro-canadien »? Et les maghrébins, eux qui sont aussi des Africains? Cette bien-pensance qui neutralise le langage et en même temps nous renvoie sans cesse à nos différences m’agace. Notre société est-elle raciste? Je lui préfère le terme « intolérante », un concept qui se décline selon l’origine géographique, l’appartenance ethnique, la classe sociale, l’âge ou la religion.