ÉDITORIAL
Ni amertume ni défaitisme
Plutôt que de céder à la morosité ambiante, aux querelles stériles du moment ou à la peur du lendemain, j’ai cherché quelque chose de positif, d’enthousiasmant et d’inspirant pour le futur. Or, il se trouve que nous sortons de l’anniversaire des 25 ans du deuxième référendum pour l’indépendance du Québec. Un quart de siècle déjà, le temps pour une nouvelle génération de Québécois de naître, devenir adulte… et oublier.
Il faut comprendre que pour un français d’origine comme moi, parler des droits de la personne, de laïcité ou de révolution, c’est très stimulant. Alors, imaginez quand arrive le sujet du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est du bonbon (clin d’œil à Halloween) ! Bon, cela peut paraitre contradictoire, quand on connait la propension de l’état français depuis toujours à taire toute velléité de séparation. Les Basques, les Corses, les Bretons s’y sont cassé les dents au fil des décennies. Parfois avec violence. Le gouvernement de la République a un peu agi comme P. E. Trudeau avec les Québécois : il a lâché du lest sur le plan linguistique. Ainsi, depuis les années 1990, a-t-on vu refleurir dans les écoles primaires et secondaires françaises, et à l’université, les langues régionales. Le français reste la langue nationale, mais bon nombre des gens de ma génération (et des suivantes) ont pu également étudier dans leur langue régionale. Si vous visitez Toulouse, les noms des rues et les annonces dans les transports publics sont en occitan et en français !
En révisant la Constitution en 1982 et en s’assurant que la loi sur les langues officielles force la fonction publique fédérale à être bilingue, Trudeau père a laissé croire aux Québécois qu’un changement aurait vraiment lieu à l’échelle du Canada. Nul besoin d’être un expert — ils s’accordent tous pourtant à ce sujet — pour s’apercevoir que rien n’a bougé, à part la reconnaissance du Québec comme nation… par les conservateurs de Stephen Harper !
En France cependant, il semblerait qu’une évolution ait lieu : pour la troisième fois (après 1987 et 2018), un référendum d’autodétermination a eu lieu le 4 octobre 2020 dans ce territoire d’outre-mer, situé dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie. Résultat : non à 53,2 % ; oui à 47,6 %. Le score n’a jamais été aussi serré. Le sort en est jeté… pour l’instant, puisque, avec l’accord des autorités françaises, les indépendantistes ont promis de continuer la lutte et d’en réorganiser un autre. Et avec de tels chiffres, la prochaine fois pourrait très bien être la bonne.
L’idée qu’encore aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation et de la disparition des langues et des cultures locales, un peuple conscient de son caractère distinct et de son potentiel puisse envisager de devenir indépendant me semble incroyablement électrisant sur le plan des idées. Combien de fois dans une vie, et a fortiori dans l’histoire d’une société, assistera-t-on à un tel phénomène ?
Évidemment, que seraient advenues les autres communautés francophones dans le ROC ? Comment le Canada, littéralement coupé en deux, aurait-il pu survivre à l’indépendance du Québec ? Et le Québec s’épanouir, avec pour seul accès maritime le Saint-Laurent ? Bien des questions demeurent sans réponse. Et comme en politique, la fin semble justifier les moyens, le ROC de l’époque n’a pas lésiné sur les moyens légaux et illégaux pour bloquer cette entreprise unique et profondément démocratique.