Politique
Consultations à l’Assemblée nationale sur le projet de loi 144 modifiant la Loi sur l’instruction publique
Tous les enfants, y compris les sans-papiers, doivent être scolarisés au Québec. C’est le leitmotiv scandé les 5, 6 et 7 septembre par les différents intervenants dans le cadre des consultations publiques sur le projet de Loi 144.
Ce projet de Loi déposé le 9 juin 2017 par M Proulx, ministre de l’éducation, fait au moins consensus sur le droit de chaque enfant à l’éducation, quel que soit son statut au Québec. Ce qui est plutôt rassurant car le Québec est signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant dans lequel il est reconnu. Le projet de Loi 144 contient d’autres volets comme le maintien de la gratuité scolaire ou les nouveaux moyens mis en œuvre pour s’assurer de la fréquentation scolaire obligatoire de 6 à 16 ans. Il est prévu, par exemple, d’instaurer un système d’amendes pour les tuteurs légaux refusant de scolariser les enfants. Ces modifications devraient entrainer la modification d’autres lois telles que celles de l’assurance sociale puisque le ministre Proulx propose que le ministère de l’éducation utilise les renseignements personnels fournis pour la carte d’assurance maladie afin de traquer les contrevenants.
Le point qui a provoqué le plus d’effervescence au cours des consultations est celui de la légalisation et de l’encadrement de la scolarisation à domicile.
Le porte-parole péquiste, Alexandre Cloutier, a remarqué que «c’est la première fois, à notre connaissance, qu’on vient légaliser ce que nous appelions traditionnellement l’école illégale ». Il a souligné le manque de réalisme du projet de Loi qui accepterait un régime pédagogique où 20 heures hebdomadaires seraient consacrées à l’enseignement religieux en plus des 25 heures consacrées au régime pédagogique québécois. La situation n’est pas différente de celle d’un enfant qui s’entraîne à un sport 20 heures par semaine, a rétorqué le ministre.
Les différents représentants des groupes d’intérêt lors des consultations ont bien fait apparaître le problème des enfants qui ne sont pas scolarisés dans le système régulier. De par la loi actuelle, ils sont dans l’illégalité. Cependant, pour des raisons pratiques, depuis des années ils sont tolérés.
La scolarisation à domicile répond toujours à « des besoins particuliers » rappelle Mme Gadbois, présidente de l’association des orthopédagogues du Québec. Elle concerne un éventail d’enfants pouvant être de déficients jusqu’à doués. Par ailleurs, Mme Berlus, présidente de l’association québécoise pour l’éducation à domicile, est venue énoncer le droit des parents de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. En général, cette éducation est plus flexible ainsi que de nature plus expérimentale. Les parents reçoivent peu de soutien des commissions scolaires. Mmes Gadbois et Berlus s’accordent aussi pour reconnaître les difficultés de communication entre les parents et les commissions scolaires. Les points de discorde portent surtout sur l’évaluation et le suivi des programmes pédagogiques.
Du côté des commissions scolaires, Mme Maccarone, présidente des 9 commissions scolaires anglophones du Québec, s’est dite « surchargée » par les demandes de parents qui veulent faire l’école à la maison. Elle se questionne sur la manière d’encadrer et d’évaluer adéquatement des jeunes sans ressources supplémentaires. De plus, les contraintes engendrées par les relations avec certaines communautés religieuses semblent ajouter de la tension : les manuels doivent être édulcorés d’une partie de leurs contenus afin de convenir aux principes religieux, par exemple.
Ces pistes serviront au ministre à affiner son projet de loi. Plus encore, certaines discussions ont semblé surprendre les parlementaires. Plusieurs ont découvert la diversité des pratiques et la disparité d’offres de services à travers les 72 commissions scolaires du Québec. « Ça n’a pas de bon sens qu’on ait 72 minis gouvernements» a dit M. Roberge, porte-parole du deuxième d’opposition (CAQ), qui sans vouloir faire de « procès d’intention » a soulevé un problème de gouvernance qui semble avoir glissé des mains du ministre vers celles des directions des commissions scolaires.
À l’heure où l’on apprend que le taux d’analphabétisme s’élève à 53% au Québec, il est sans doute rassurant de voir nos élus s’enflammer sur un sujet d’éducation. D’autant plus qu’on a pu entendre le ministre Proulx rappeler à plusieurs reprises que les changements prévus par la Loi 144 s’accompagneraient de financement.