LETTRE
Pour une gouvernance politique de collaboration -1
La partisannerie est en pause nous font remarquer ces temps-ci les journalistes affectés à l’actualité politique et parlementaire. « Il n’y a qu’une seule équipe et c’est celle du Québec », disait le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, alors que son homologue libéral, Pierre Arcand, ajoutait « qu’on n’est pas dans un mode actuellement de gagner des points (aux dépens des autres) mais dans celui, plus important, de gagner des points pour les Québécois ».
Cette attitude est appréciée par la grande majorité qui souhaitent comme la leader de Québec solidaire, Manon Massé, « que ces pratiques parlementaires restent après la crise ».
A la fin de septembre dernier, le Premier ministre Legault s’était exprimé dans le même sens sur l’état de l’opinion publique, suivant le dépôt du projet de loi qu’il avait promis pour remplacer notre vieux mode de scrutin par un système électoral proportionnel. À un journaliste qui lui demandait s’il était prêt à vivre avec le fait que, dans l’avenir, le Québec ne serait plus gouverné sans partage par un seul parti, François Legault avait répondu : « Oui ! Les Québécois sont rendus là. Ils veulent plus de collaboration entre les partis et ils sont prêts à vivre avec des gouvernements minoritaires ».
Mais le gouvernement Legault est majoritaire et c’est à cause de cela qu’il mène bien la barque durant la tempête ! Faux. A Ottawa, le gouvernement de Justin Trudeau qui agit relativement aussi bien, est minoritaire ! En temps de crise majeure, l’efficacité gouvernementale repose beaucoup sur la collaboration et la cohésion qui permet de se concentrer sur l’essentiel.
Le cas fédéral est instructif en regard d’un danger qui menace tous les gouvernés, l’abus de pouvoir. La récente tentative du gouvernement Trudeau de s’octroyer pour une longue période des pouvoirs excessifs et le sain blocage exercé par les partis d’opposition globalement majoritaires à la Chambre des communes. Cela démontre qu’un parti en situation de gouvernement minoritaire ne peut pas profiter d’une situation de crise majeure pour s’octroyer de façon législative des pouvoirs excessifs. À Québec, si François Legault avait tenté la même manoeuvre que Justin Trudeau, il aurait pu, lui, réussir car, avec 37,4% des votes, il a récolté une solide majorité parlementaire de 60% des sièges. On peut bien sûr savoir gré au Premier ministre du Québec de ne pas avoir tenté d’abuser de la situation mais on doit reconnaître que cela aurait pu être très différent si un autre personnage occupait actuellement son fauteuil. L’actualité internationale nous indique que durant cette pandémie d’autres dirigeants ont tenté et réussi le coup.
Voilà pourquoi il est si important que les institutions démocratiques soient conçues pour éviter le pire, soit l’arrivée et le maintien au pouvoir d’individus et d’équipes politiques qui pourraient s’avérer toxiques et dangereux.
Jean-Pierre Charbonneau
Président du Mouvement
Démocratie Nouvelle
Ancien président de
l’Assemblée nationale du Québec
Québec