ÉDITORIAL
Pourquoi j’ai arboré un coquelicot blanc
Le 11 novembre 1918, à 11 h, dans toute la France, les cloches des églises sonnèrent à la volée. Au front, les clairons bondirent hors des tranchées et sonnèrent le « Cessez-le-feu. Des centaines de milliers de gens chantèrent à pleins poumons “La Marseillaise”. Même soulagement chez les vaincus, du côté allemand. Ce matin-là, un armistice (littéralement “arrêt des combats”) avait été conclu et signé entre les alliés et l’Allemagne — dernière à rendre les armes dans son camp. Quant au traité de paix, il ne sera signé que le 28 juin 1919.
Dimanche dernier, partout dans les pays impliqués, des cérémonies ont eu lieu pour se souvenir de ce jour-là, des nombreux soldats morts au combat (ou pas) qui ont, comme on aime à le dire ici “sacrifié” leur vie pour la liberté et la démocratie, et non pour défendre l’intégrité de leur territoire, comme ce fut le cas des Européens; geste d’autant plus noble que désintéressé.
8 millions de morts au combat. 20 millions de blessés et de mutilés. 4 millions de veuves. 8 millions d’orphelins. Ajoutons-y les victimes civiles, aussi nombreuses (près de 8 millions), qui, elles, n’avaient rien demandé et ne s’étaient pas portées volontaires à leurs risques et périls. Enfants, femmes, vieillards belges, luxembourgeois, français du nord et de l’est. Au total, 18 millions de vies!
Au Canada, dans un grand élan de construction de l’identité nationale (d’aucuns parleraient de propagande), y sont associés la bataille de Vimy comme acte fondateur du sentiment canadien et plus largement toutes les autres guerres. Celles des Boers, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre de Corée. Toujours au nom de la défense de la liberté et de la démocratie.
Avec 550 mots, difficile de revenir en détail sur les motivations qui ont poussé le Canada à participer à ces différents conflits. En revanche, si plusieurs ont donné leur vie pour de nobles valeurs et principes, force est d’admettre que les motivations des autorités et gouvernements décisionnaires ne furent pas toujours aussi belles… De toute façon, dans les deux premiers conflits, c’est en tant que dominion de la Grande-Bretagne, que le Canada est entré en guerre. La monarchie anglaise ne lui a pas demandé son avis. Quant à 1939, l’Angleterre et la France s’impliquent, parce qu’elles s’étaient engagées à protéger la Pologne, pays qu’elles avaient recréé à la sortie de la Première guerre mondiale pour des raisons géostratégiques. Le Canada ne tarde pas à annoncer son engagement de son propre chef, certes, mais notons que c’est le roi George V qui annoncera la décision et non Mackenzie King.
On veut se rappeler toutes les guerres et leurs actes héroïques ? Rappelons-nous aussi que juste au XXe siècle, elles ont causé la mort de plus de 200 millions de personnes dans le monde. Pour un militaire tué, il y a en moyenne dix civils assassinés. Et tant en Amérique du Nord qu’en Europe, on nous sert à chaque fois les motifs les plus nobles pour s’y engager, avec des troupes sur le terrain ou de l’équipement; c’est sans compter les ventes d’armes.
Alors mon coquelicot blanc indique que je me souviens de chaque individu, militaire ou pas, qui est mort(e) à l’occasion d’une guerre, par le passé, dans le présent ou à l’avenir. Tout simplement.