ÉDITORIAL
À quand un code de la rue?
Depuis peu, les conditions extérieures permettent à nouveau de partager la route. Et pas seulement avec les piétons qui, au pire de l’hiver, ne peuvent emprunter les trottoirs et marchent sur le bord des routes. Je parle des vélos, qui font tant pester certains automobilistes. Récemment, pendant plusieurs semaines, les citoyens et les experts à travers le Québec ont pu s’exprimer dans le cadre d’une consultation publique sur la sécurité routière.
Sans adhérer nécessairement à l’adage « Vox populi, vox Dei » (littéralement : « la voix du peuple, la voix de dieu »; c’est-à-dire que la population a toujours raison), on peut s’intéresser aux conclusions de ce grand processus démocratique. D’autant plus que nous ne sommes pas égaux sur la route : la SAAQ évalue à 15 % les décès des piétons et de cyclistes sur la route chaque année. Nous pourrions être satisfaits que depuis 1978, année de l’entrée en vigueur du régime public d’assurance automobile, ce nombre soit en baisse de 80 %. Mais est-ce suffisant? Pour mémoire, notre code de la sécurité routière a été refondu massivement en 1979; depuis, des changements au cadre légal ont été apportés, l’été dernier encore, concernant l’emportièrage et le dépassement ces cyclistes. Vous en avez sans doute entendu parler.
La première remarque qui s’impose est qu’aujourd’hui, il serait souhaitable de changer de paradigme, de grille de lecture, par exemple en parlant d’un code de la rue plus que d’un code de la route. En effet, la rue est à tous, la route est pour ceux qui roulent, et de fait aux voitures principalement. C’est donc reconnaître la loi du plus fort. Cela signifierait en fait adopter un grand principe de prudence et affirmer que selon le véhicule conduit, un comportement dangereux ne sera pas puni de la même manière. Concrètement, force est d’admettre que griller un feu en vélo et en voiture ne comporte pas le même risque.
Pourquoi ne pas augmenter les amendes pour excès de vitesse, un des premiers facteurs de mortalité dans les accidents? Pourquoi ne pas limiter la puissance des moteurs? Qui serait vraiment pénalisé, excepté les constructeurs? Vous roulez à 170 km heure, vous? C’est un argument publicitaire et de vente qui se moque carrément du consommateur.
Cependant, ce n’est qu’une base, qui doit s’accompagner de changements physiques des routes, afin qu’il devienne plus contraignant de rouler vite ou mal, et surtout afin que cet espace mieux et davantage aux piétons. Chacun sa signalisation, par exemple, ou encore pourquoi pas des feux distincts aux intersections importantes?
Vous me direz : encore de la dépense… OK, préférez-vous ne rien changer? Ou bien renforçons davantage le contrôle de la vitesse et du respect des règles, en embauchant de nouveaux policiers ou en achetant du matériel, comme des radars. Résultat : toujours des dépenses. Ou plutôt de l’investissement?
Et puis, en milieu urbain, le nombre de piétons et de cyclistes ou motocyclistes a explosé. Ce fait nouveau se heurte parfois à des normes désuètes. Ainsi, je suis le premier, en vélo, à continuer au panneau « arrêt » s’il n’y a pas de voiture. Pourquoi conserver cette règle pour les cyclistes? Pourquoi enlever des points d’aptitude sur le permis de conduire voiture pour une infraction en vélo? Pourquoi un piéton happé par un cycliste n’est-il pas couvert par la SAAQ ou un vélo victime d’emportièrage?
Proche de chez nous, Ottawa s’y essaye, avec un succès mitigé, et pour cause : c’est tout un environnement à changer simultanément (aménagements urbains, législation, comportement des usagers, allocation de budgets, etc.). Alors, changeons de paradigme!