LETTRE
Réponse à la réponse de Monsieur Labelle
Merci d’avoir pris le temps de m’écrire. Je reconnais que votre argumentaire en 1500 mots tient la route : il a été mûrement réfléchi, savamment documenté et minutieusement construit … en partant lui-même de certaines prémisses discutables, comme le bien-fondé et l’intégrité de la Charte des droits et libertés, qui place quand même Dieu comme première valeur du pays dans son Préambule! Discutable, donc. Le droit de s’ôter la vie n’est peut-être pas un droit « juridique » (quoique le droit à disposer de son corps, si), il l’est sur le plan moral et philosophique.
Je vous concède qu’il est bon de se référer à ce que le droit valide ou pas, c’est toujours un garde-fou social pertinent pour commencer à réfléchir. À part qu’un raisonnement philosophique, même (malheureusement) simplifié en 550 mots, à cause de contraintes éditoriales, dépasse le simple cadre juridique. J’ai abordé le confinement dans une perspective différente, celle des personnes âgées qui sont confinées, parce que je les respecte justement. Ne vous méprenez pas, et ne me faites donc pas dire ce que je n’ai pas dit. Selon moi, manquer de respect envers nos « vieux » (comme chez Brel, par chez moi, cette dénomination dénote affection et estime), c’est les infantiliser.
D’autre part, la science, que vous semblez opposer à mon raisonnement, montre clairement que les jeunes – en fait les moins de 39 ans - ne sont pas un vecteur si important qu’on l’aurait cru au départ: ils contractent moins facilement le virus et se le transmettent beaucoup moins entre eux également (The Lancet Infectious diseases, mars 2020). Conséquence : leur permettre d’aller à l’école ou à l’université présenterait un risque relatif – à condition qu’ils ne soient pas au contact de personnes plus fragiles (et j’ai déjà reconnu dans d’autres éditoriaux la situation des obèses, des victimes de maladies chroniques comme l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, respiratoires, le cancer, etc.). Encore une fois, les études prouvent qu’une majorité de personnes touchées par le virus ne présente que des symptômes légers à moyens de toute façon.
Mon point? Pourrait-on montrer un peu de subtilité, plutôt que d’appliquer des directives « mur à mur », intégralement, sans distinguo? Et là, je reconnais que les gouvernements ont tout d’abord paré au plus pressé ; mais avec le recul, pourquoi ne pas passer maintenant à autre chose? Bon, après tout, c’est ce que nous faisons en ce moment... Ou alors, soyons stricts : pas de déconfinement tant qu’un vaccin n’est pas découvert! Il faut en effet être cohérent.
Et j’avoue que ce dont je parle relève effectivement du droit individuel, d’une certaine manière au détriment du collectif, mais que cependant, la Charte des droits et libertés, dans son article 1, reconnait qu’au nom de l’intérêt commun, on peut restreindre les libertés individuelles, ce qui est aussi l’un des fondements d’une démocratie. Et je suis certainement favorable à que les droits des minorités soient respectés, dans le respect des règles et des valeurs communes évidemment (mon côté jacobin certainement).
Merci encore, s’il arrive que je formule mes idées d’une manière provocante, c’est un peu à dessein, pour tirer les lecteurs de leurs certitudes… avec parfois l’effet de les faire sortir littéralement de leurs gonds. J’ai apprécié votre réponse.
Didier Périès,
Aylmer