ÉDITORIAL
Rassemblons-nous!
Quand vous lirez ces mots, cela fera une semaine qu’aura eu lieu la Fête de la musique. Cette célébration populaire qui prend place dans les rues de grandes villes comme des petits villages a été initiée dans les années 1980 par le ministre français de la Culture Jack Lang, puis elle s’est répandue à travers la planète, surtout dans les pays francophones. Samedi dernier, nous, Québécois, avons fêté la Saint-Jean-Baptiste à travers le pays, principalement avec des concerts et des défilés; ici, ce fut l’Outaouais en fête pendant quatre jours, au parc des Cèdres, grâce à Impératif français. Dans quelques jours, ce sera la fête nationale canadienne, avec force évènements en tous genres et feux d’artifice. Qu’ont en commun ces trois célébrations? Ces jours-là, les gens sortent de leur maison, se regroupent pour occuper les espaces publics.
Or, dans le contexte actuel de terreur, à la suite des attentats perpétrés partout dans le monde (vous remarquerez qu’aucun continent n’est épargné), beaucoup ont peur, hésitent et préfèrent s’enfermer plutôt que de sortir.
J’ai employé le terme « terreur » à dessein : il est de la même famille que « terrorisme ». Différent d’une simple peur, il se définit comme une peur « violente et incontrôlable, qui empêche d’agir ». À ne pas confondre avec la terreur comme un « ensemble de mesures arbitraires et violentes qui visent à imposer un pouvoir sur une population ». Cette dernière définition s’applique autant à la Russie de Poutine qu’à la Turquie d’Erdogan, au Congo de Nguesso, à la Chine ou à Singapour. Malheureusement, cette terreur-là vient s’ajouter à celle des groupes extrémistes dits islamistes comme Daech…
Mais sommes-nous vraiment choqués, terrorisés, au premier sens du terme? Nous laissons-nous influencer au point de moins voyager, moins nous déplacer? En tant que Nord-Américains, certainement moins que les Européens. Toutefois posez-vous la question : si je partais en Europe, en Afrique ou en Asie, partirais-je à l’aveugle dans n’importe quel pays? Et dans un pays dit « sûr », plutôt dans la capitale, dans les petites villes ou à la campagne?
Par ailleurs, je me pose la question : avons-nous vraiment raison d’avoir peur, particulièrement au vu de ce qui se passe depuis quelques semaines en Europe, à savoir quasiment un attentat par jour? Selon moi, oui, parce que le terrorisme islamiste n’a pas pour vocation d’épargner les gens : il vise à les convertir… ou à les éliminer. C’est « marche ou crève » en quelque sorte. Mais paniquer et nous laisser terroriser? Par définition, il s’agit d’un sentiment incontrôlable, qui nous envahit, moins lorsque nous pensons à nous-mêmes qu’à nos enfants, nos amis. Les imaginer blessés, disparus ou morts est effrayant, n’est-ce pas?
Cependant, devons-nous pour autant arrêter de nous regrouper – notre instinct grégaire nous pousse également les uns vers les autres lorsque nous avons peur — ou au contraire, devons-nous montrer notre résilience, notre résistance, en nous rassemblant dans les endroits publics, afin d’écouter de la musique, des discours, danser, voir du théâtre, célébrer, manifester ou faire notre marché dominical?
Personne ne niera que nous avons aujourd’hui besoin d’être rassurés, mais à quel prix? En France, l’état d’urgence est permanent depuis bientôt deux ans; partout en Europe occidentale, en plus des forces de police, l’armée patrouille quotidiennement dans les rues, sur les « sites sensibles » (gares, édifices publics, monuments, etc.). Partout, au nom de la lutte contre la terreur, contre un terrorisme qui les nie, des droits fondamentaux et des libertés publiques (liberté de déplacement, de réunion, d’expression, de presse ou de manifestation) sont de plus en plus bafoués. N’est-ce pas ironique?