ÉDITORIAL
Sans la langue française, il n’y aurait jamais eu de French kiss
Je lis dans Le Bulletin régulièrement des échanges cocasses autour de la question de la langue. Je sais qu’il s’agit là d’un terrain glissant. Mais justement, voilà que l’actualité me rattrape : Jean-Paul Perreault, auguste figure emblématique de la défense, parfois agressive, du fait français au Canada, vient de recevoir le titre de « Patriote de l’année » de la part de la Société St-Jean Baptiste. Il succède à des personnalités comme Jacques Parizeau, Bernard Landry ou Fred Pellerin. La Revue Outaouais en a même fait sa première page!
Cette nouvelle va faire jaser et s’ajoutera à la lettre parue dans Le Bulletin la semaine dernière, où un lecteur exprimait son ras-le-bol suite à une lettre véhémente de M. Perreault à propos de la création en Outaouais d’une fac de médecine satellite de l’Université anglophone McGill. Le président d’Impératif français fait ainsi parler de lui, donc de sa cause : s’assurer de la prédominance du français partout et en tout temps au Québec, où il est langue officielle depuis 1974 (loi 22). Dans un pays, le Canada, où il y a deux langues officielles, on pourra noter la contradiction. Ce faisant, M. Perreault donne-t-il la meilleure image des francophones? On peut en douter, au vu des réactions qu’il suscite régulièrement. Pour moi, il est simplement un chien de garde dont la mission, par définition, n’est pas de se faire aimer, mais d’être vigilant et d’alerter. De cela, je crois que tout le monde peut en convenir.
Évidemment, on pourrait discuter de la pertinence de sa mission ou de son approche. C’est là que les avis divergent. Pour plusieurs anglophones, anglophiles ou citoyens peu concernés par ces débats identitaires (et oui, car la langue n’est pas qu’un outil de communication neutre, elle définit l’identité), donc pour plusieurs, la survie du français au Québec n’est pas un vrai problème (la loi 101 est là et il est parlé partout); ce qui sous-entend qu’Impératif français en ferait trop. Pour d’autres, tenants d’un Québec surtout francophone, nous serions en perpétuel état de siège face à une langue et à une culture majoritaire, pas seulement au Canada, mais en Amérique du Nord (plus 420 millions d’anglophones contre 10 millions de francophones).
Catégoriser les gens me gêne : francophone, anglophone, OK, mais il ne faut pas oublier les anglophones minoritaires du Québec ou les francophones minoritaires en Amérique; il y en a dans toutes les autres provinces et également aux États-Unis. Où est le problème? Ne peut-on coexister? Tu me parles en anglais, je te réponds en français? Les pragmatiques répondront « Bien sûr! », les tenant(e) du laissez-faire : « À quoi bon? » ; les intellectuels : « Creusons, analysons, gardons une vision globale ».
Personnellement, je suis partagé et me reconnais un peu dans ces trois profils, avec un penchant pour le dernier. Mais si vous me le demandez, alors, je vous répondrais par une autre question : une formation pour de futurs médecins québécois en Outaouais, où la majorité de la formation théorique des 18 premiers mois ne sera qu’en anglais et à distance? Dans une université francophone (UQO)? Les autres facs de médecine de langue française au Québec (Sherbrooke, UdM, Laval) sont-elles si mauvaises? En plus, on se rappellera qu’il y a encore quelques années (avant le rattrapage salarial), ces mêmes médecins formés avec nos impôts à un coût moindre que dans les autres provinces s’empressaient d’aller travailler ailleurs. À moins que cela serve à améliorer le bilinguisme dans notre région, où nos enfants parlent si peu anglais…