ÉDITORIAL
Suicide assisté ou aide médicale à mourir?
Décidément, le sujet fait jaser. Il y a deux semaines, le délicat sujet de la liberté de choix donnée aux mineurs d’avoir accès à l’aide médicale à mourir; la semaine dernière, celui de la directive médicale assistée (la possibilité pour un patient de donner son consentement à l’avance). En tout cas, l’emploi des deux expressions est le reflet d’une certaine ambivalence de l’opinion publique en ce moment, alors que le fédéral, après une valse-hésitation, a finalement décidé d’emboiter le pas du gouvernement québécois et encadrer légalement cette pratique.
Les deux expressions sont-elles d’ailleurs vraiment synonymes? Ce qui est sûr c’est qu’elles proposent un point de vue différent d’un seul et même acte, celui de consentir à aider quelqu’un à s’enlever la vie.
D’abord, les faits. Le texte original du serment d’Hippocrate (Œuvres complètes, vol.4) empêche tout médecin de tuer et lui enjoint même de faire obstacle à toute « perte » (mort) ou « injustice » subie par le « malade ». Plus près de nous, au Canada, le suicide a été rayé de la liste des actes criminels en 1972. En février 2014, au nom de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour suprême du Canada a invalidé les dispositions du Code criminel qui interdisent à une personne de consentir à ce qu’on l’aide à mourir et prévoient de punir quiconque l’y aiderait. Bref, le plus haut tribunal au pays autorise l’aide à mourir. Mais l’individu doit être un adulte capable, consentant et « affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui (c’est moi qui souligne) sont intolérables au regard de sa condition ». La loi québécoise, elle, prévoit que c’est seulement en fin de vie que cela peut s’appliquer et que le patient doit avoir les idées « claires ».
Dès lors, que fera-t-on à tous ceux qui ont des maladies dégénératives fatales? Ou à quiconque dans l’incapacité de se donner la mort? Doit-on attendre qu’ils en soient rendus à la dernière extrémité pour les aider? Mais alors, ils ne seront plus en mesure de s’exprimer… Et comment peut-on décider à leur place que la souffrance est intolérable? Selon l’American College of Physicians (2005), c’est du suicide assisté si on donne un médicament au malade pour se tuer et de l’euthanasie, lorsqu’on le fait pour lui.
Au fond, le sujet est simple, ce qui ne signifie pas facile à aborder... C’est la mort. Celle de nos voisins, amis ou parents, celle des gens que l’on aime, et au fond la nôtre. Qui aime penser à cela? Cette mort n’est pas forcément celle qu’on ima-gine, paisible, dans notre sommeil. Y compris dans le cas des gens qui souffrent d’Alzheimer ou que l’on bourre de médicaments afin d’arrêter leur souffrance. Dire le contraire serait hypocrite.
On voit donc bien qu’il y a certes une différence entre la loi et l’éthique (ou la morale, si vous préférez), mais qu’elle semble se réduire, dans la mesure où la loi considère de plus en plus le point de vue du patient, malade et/ou mourant. À une époque où, au Canada et ailleurs, on fait de plus en plus primer les droits individuels sur les droits collectifs, pourquoi en effet ne pas se soucier du droit du malade? Après tout, n’est-il pas le principal concerné? Mettez-vous à sa place et posez-vous la question : ai-je le droit de choisir le moment de ma mort? Pour éviter aux médecins un véritable dilemme, pourquoi ne pas créer un nouveau corps de mé-tier paramédical, celui d’« euthanalogue »?