EDITORIAL
Taisez-vous communistes !
La semaine dernière, lors de son passage à Québec, Stephen Harper a donné des entrevues à deux radios privées. L’occasion était trop belle. M. Harper en a profité pour exprimer son mépris pour le diffuseur public Radio-Canada, qui selon lui regroupe une bande de gauchistes opposés aux valeurs conservatrices. L’étiquette est plutôt réductionniste. Il n’est pas nécessaire d’être gauchiste pour remettre en question les valeurs de M. Harper qui se résument à trois choses : coupures drastiques dans les services publics, baisses d’impôt et contrôle de l’information. En fait, les seuls qui profitent des belles valeurs de M. Harper, ce sont les super riches de notre société.
En ce sens, il y a certainement beaucoup de monde à Radio-Canada qui s’opposent aux valeurs conservatrices. Les journalistes professionnels, à cause de leurs connaissances un peu plus approfondies des enjeux sociaux et économiques de notre société peuvent se montrer plus critiques des politiques gouvernementales. C’est d’ailleurs le rôle que nous attendons d’eux.
En fait, ce que M. Harper déteste, c’est que des opinions opposées aux siennes puissent s’exprimer, qui plus est, par un diffuseur subventionné par l’État. Il n’est pas le premier, les libéraux avaient la même attitude. M. Harper considère que c’est lui qui subventionne Radio-Canada. Il est dans l’erreur. Ce n’est pas lui qui subventionne la radio d’État, ce sont les citoyens canadiens. Espérons qu’un jour, un gouvernement aura l’intégrité de protéger les subventions de la radio d’État des humeurs des partis temporairement au pouvoir.
Pour sa part, ce que M. Harper aimerait, c’est une « radio d’État » privée à l’américaine comme Fox News qui est complètement inféodée aux républicains. M. Harper déteste l’information, ce qu’il aime c’est la propagande, sa propagande.
Intervenir en Libye et en Syrie
Une large majorité de Québécois sont en faveur de l’intervention canadienne au Moyen-Orient. 7 citoyens sur 10 croient que nous avons toute légitimité d’aller nous mêler à cette guerre religieuse et politique, mais avant tout une guerre civile; 70% de la population, cela fait beaucoup de monde. La grande question est de savoir si cette intervention est justifiée et surtout, si elle mènera à des résultats positifs.
Prenons une analogie. Dans un village éloigné, les gens sont constamment en train de se chamailler. C’est la grosse chicane et ils se surpassent les uns les autres en atrocités. Pour une raison pas très claire, vous décidez d’intervenir et vous allez donner une volée à une partie d’entre eux. À long terme, votre intervention ne changera pas grand-chose à leurs chicanes. Ils vont continuer à s’entretuer pendant longtemps.
Il y a toutefois une chose qui va changer. La gang que vous avez attaquée vous connaît et elle sait où vous demeurez. En plus, elle a des amis qui sont vos voisins et ces derniers vous ont vu agir. Je doute fort que vous allez alors vous sentir en sécurité chez vous. Moi, à votre place, j’aurais certainement des inquiétudes.
Vous pourrez vous dire que vous avez agi pour de grands principes comme la démocratie, la justice, la liberté, mais vous ne bernerez que vous-même. Aucune démocratie ne prendra racine au Moyen-Orient avant bien longtemps. Par notre intervention, nous aurons surtout contribué à lâcher des bombes qui inévitablement affectent les populations. Alors, ne jouons pas les victimes lorsque quelques loups solitaires enragés ramènent la violence dans notre cour.
Est-ce que je me trompe. Nous le saurons bien assez rapidement. De toute évidence, ce n’était pas une bonne idée d’intervenir en Irak en 2003. À cette époque, le Canada avait eu l’intelligence de ne pas joindre la coalition de Bush.
Marcel Leclerc
Merci
Commentary