ÉDITORIAL
Tout ça, c’est de l’amour aussi
À l’heure où l’homophobie crasse et ignorante côtoie la Gay Pride et les déclarations de Cœur de Pirate sur sa « queeritude », alors qu’il est heureux que de plus en plus de couples gais ou lesbiennes osent s’afficher en public sans être insultés ou regardés de travers, je reste quand même étonné de la propension de l’être humain à se ranger lui-même dans une boîte, à chercher à tout prix une étiquette. Évidemment, nous avons tous besoin de nommer les choses pour qu’elles existent, à commencer par les chats ou les nouveau-nés. Cependant en l’identifiant, en l’étiquetant, on réduit forcément un peu l’objet ou la personne concernée, non? Est-ce vraiment nécessaire?
Prenons justement l’exemple de l’orientation sexuelle. Le gouvernement du Canada en est rendu à envisager le choix « neutre » en plus de masculin ou féminin quant au sexe sur le passeport tellement le sujet est devenu sensible! Alors, êtes-vous pansexuel comme Miley Cyrus ou son contraire asexuel, ou bien encore graysexuel, demisexuel, polysexuel, skoliosexuel? Aromantique, , demiromantique, lithroromantique?(1) Toutes ces étiquettes me laisse un peu sceptique, moi qui suis un vulgaire et simple hétérosexuel cisgenre binaire. Bon, j’avoue avoir peut-être eu ma période « queer » (ou en questionnement) platonique (sans être passé à l’acte), voir même gaie vers 17-19 ans! Et alors? D’abord, admettons que l’on a le droit de se chercher, sans pour autant devoir se coller une étiquette; on peut également changer en cours de route, en cours de vie : faut-il l’annoncer à chaque fois sur la place publique?
Et puis pourquoi faudrait-il se doter d’un label, du style LBGTQQIAAP2 pour exister? Ne peut-on reconnaître une personne sans l’affubler d’un code aussi long qu’hermétique, tout ça pour dire finalement que « Euh, bon, en fait, je ne sais pas où j’en suis… J’suis attiré par Olivier, mais la semaine dernière, j’ai aussi passé du bon temps avec Sara, mais peut-être que ça va changer… ». Ma question serait plutôt : tu les aimes ou pas? Et comment? Attirance physique mais non sexuelle, plaisir d’être ensemble, de partager des moments de complicité ou envie d’aller plus loin dans l’intimité… et dans la vie ensemble? Et pas besoin de déballer toute ta vie intime aux yeux de tous, personne ne t’en voudra pour autant si tu la gardes pour toi!
Mais qui est donc le coupable de cette dérive cartésienne de vouloir ranger (enfermer?) chaque chose dans une petite boîte, excepté Descartes et son Discours de la méthode? En fait, il faut remonter à Aristote, le premier à décider de classer tous les êtres vivants autour de lui afin de mieux rendre compte de leur réalité. En plus d’avoir été un grand philosophe, Il est également l’arrière-grand-père des sciences modernes par sa méthode de classement et d’observation déductive du monde vivant : la réalité n’est rien d’autre que ce que l’on voit, sent, entend ou touche.
Bref, Josée Blanchette, la chroniqueuse du Devoir, a fait le même constat que moi. Peut-être parce qu’elle est de la même génération… Nous de la génération X n’avons pas ressenti le besoin de nous étiqueter pour faire notre vie, nous définir, exister aux yeux des autres et vivre nos relations sentimentales. Pire, selon certains penseurs, cette nomenclature que la société nous force à adopter ne serait au fond qu’une forme d’oppression sociale, qui restreint notre liberté. Belle définition de ce que l’on appelle le politiquement correct sous les oripeaux du respect des différences.
(1) Pour décrypter tous ces termes, consultez le site du Huffington Post (mot-clef : « identités sexuelles »)