ÉDITORIAL
« Tout ça, c’est de l’amour aussi » (bis)
Chère Stéphanie,
Exceptionnellement, ta cause, notre cause, vaut bien un éditorial en guise de réponse. D’abord, je te remercie de ta lettre, en réponse à mon éditorial du 10 juillet, qui m’a fait réfléchir. Cependant, ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit (et ne pense même pas). Je ne cherchais nullement à culpabiliser quiconque voudrait faire son « coming-out ». C’était bien le contraire. Je suis désolé que tu n’aies retenu de mon article que son ironie, mais tu n’as pu manquer la tonalité générale et le message principal d’ouverture justement (contenu dans le titre d’ailleurs : « Tout ça, c’est de l’amour aussi » et qui fait référence à un groupe de rock-trad toulousain de deux femmes, les « Femmouzes T »). Difficile d’employer des mots montrant plus d’ouverture que ceux-là, non? Laisse-moi préciser quelques détails.
Je m’attaquais surtout à une certaine approche qui cherche à enfermer les individus dans une petite boîte en général (pas uniquement à propos de l’orientation sexuelle), ce qui les prive de la liberté d’en sortir éventuellement. Essentiellement, voici ce que j’ai voulu dire, peut-être malhabilement parfois, je l’avoue : au XXIe siècle, personne ne devrait à avoir à clamer haut et fort son appartenance sexuelle pour faire accepter son identité ou son orientation, parce que nous devrions être capables d’accepter tout cela naturellement, en fait après une solide éducation probablement. Et je me suis prêté ironiquement au jeu moi-même en m’affublant d’un titre, comme tu le relèves bien. Personnellement, je n’aime pas trop ça.
Toutefois, je sais pertinemment que pour certains et certaines, il est encore très difficile de le dire, le montrer, sans subir de pression ou d’essuyer des insultes. Je compatis. De mon côté, si le sujet tombe dans la discussion, je n’hésite pas à déclarer à mes interlocuteurs (amis, élèves…) que j’ai eu moi aussi ma période d’hésitation, sans aucune honte, que je pourrais tout aussi bien être gay aujourd’hui, peut-être même qu’au fond de moi, que je suis encore attiré par les hommes. Et alors? Ai-je besoin d’une étiquette pour autant? Et ce n’est pas pour m’en cacher…
Notre société occidentale – je ne parle des pays où en dehors de l’hétérosexualité, il n’y a point de salut, où c’est parfois criminalisé – notre société semble avoir encore besoin de cet étiquetage pour assumer la variété des orientations sexuelles. OK. Dans ce cas-là, pourquoi pas des quotas, comme pour les femmes, si ostracisme et discrimination il y a? Allons jusqu’au bout.
En tout cas, sache que non seulement je m’intéresse à ce sujet, comme à beaucoup d’autres tout aussi importants, sans me forcer ; je m’informe, cherche à comprendre, vis en parfaite harmonie avec mes relations homosexuelles, dont certaines très proches. Sache également que je ne n’accepterais pas d’être qualifié (même implicitement) d’homophobe, par souci du politiquement correct. J’ose croire que l’on peut parler d’orientation et d’identités sexuelles avec des nuances, sans devoir être rangé à son tour dans le « pour » ou le « contre », parce que là n’est pas le débat. Mais il faut veiller à ne pas être trop hétérosexuellement centré, je te l’accorde. Merci encore d’avoir mis le doigt là-dessus.
Tu ne m’as pas eu comme enseignant. Dommage. Mais sois certaine que, fidèle à mon habitude, en classe, je continuerais de me battre avec mes humbles moyens pédagogiques pour éclairer les consciences de mes élèves sur la nécessité de vivre ensemble dans le respect de nos différences… et de nos points communs.
Très sincèrement,
Didier Périès