ÉDITORIAL
Tout se joue avant six ans… ou presque
J’ai beaucoup lu en tant que jeune parent. Il est normal de s’informer plutôt que de se fier à son intuition (parfois correcte) ou seulement aux modèles familiaux (souvent convenables). Comment, au meilleur de nos capacités et de nos connaissances, aider nos enfants à s’épanouir, compte tenu du contexte changeant et du futur incertain?
Durant les premières années de leur vie, nos tripes nous commandent de les garder près de nous, de ne pas les donner en garde à n’importe qui. Cette première transition, qui les voit quitter le cocon familial, est un crève-cœur pour plusieurs. Confier son enfant à autrui n’est pas aisé, c’est naturel, et a fortiori, quand il est très jeune. À quel âge le mettre en garderie ? Et si on pouvait le mettre à l’école à quatre ans au lieu de cinq ?
Au fond, le débat sur les « maternelles 4 ans » tourne aussi autour de ces enjeux-là. Certes, il existe déjà un réseau plutôt dense de CPE qui font de l’éducation, et plutôt bien; par conséquent, renforcer le réseau des CPE plutôt, au lieu créer un nouveau programme, semble plus logique à première vue. Cependant, la détection des enfants victimes de troubles du comportement ou de l’apprentissage y est-elle effectuée assez efficacement ? Le personnel y est-il formé comme un véritable professeur, capable d’enseigner les rudiments de l’écriture, de la lecture et des mathématiques, et peut-être davantage ?
Parce que les faits sont là : bien avant cinq ans, nos enfants sont capables de socialiser et d’apprendre, d’une manière systématique, mais ludique. Mieux, ils en ont envie. D’autres pays, comme la France, ont un système de « maternelle » (de trois à cinq ans) bien rôdé, où les professeurs de primaire et de maternelle sont formés au sein des mêmes facultés. À ce propos, deux lectures de jeune parent me reviennent à l’esprit : Points forts de Brazelton, pédiatre, et Tout se joue avant 6 ans (How to parent) de Dodson, psychologue.
Références incontournables, ces deux livres sont restés sur ma table de chevet tout au long des premières années de mes filles. Et que disent-ils? En substance, pour Dodson, la manière dont l’enfant est stimulé, les relations affectives qu’il entretient avec ses parents, conditionnent ses apprentissages futurs, surtout l’apprentissage du langage. Disons qu’il insiste sur l’imprégnation socioculturelle, sans nécessairement affirmer que tout est déterminé avant 6 ans évidemment, contrairement au titre trompeur de la traduction française. Lecture très éclairante.
Brazelton, lui, a extraordinairement observé les enfants et les parents, et à partir de son expérience de médecin pédiatre.
« Le bébé est une personne » et non une pâte à modeler, affirme-t-il. Son livre est très bien organisé, par étape chronologique de l’évolution de l’enfant, et thématiquement :
les fameux « points forts », comme des moments prévisibles situés juste avant une phase déterminante de développement moteur, cognitif ou émotionnel. Ce fut un secours pratique immense en ce qui me concerne, qui m’a rendu plus serein face aux défis qui se présentent dans les premières années de nos enfants.
Même pas 9 $ à payer par jour, la garantie d’y avoir une place : quoi de plus égalitaire que la maternelle à quatre ans ? Alors, pourquoi pas ? Mais pour les bonnes raisons et avec les moyens adéquats.