ÉDITORIAL
Être visionnaire
Vendredi matin dernier, j’écoutais celui qui me semblait être un expert en urbanisme parler avec grande pertinence de l’urbanisme de Gatineau. À ma grande surprise, il s’agissait de Stefan Psenak. Quelques semaines auparavant, une de mes anciennes élèves du PÉI de Grande-Rivière m’avait contacté afin de me sensibiliser sur le thème du développement urbain; elle savait par mes éditoriaux que ce sujet m’interpellait et, comme elle travaillait pour l’organisme « Vivre en ville », elle avait trouvé cette démarche naturelle et logique. Elle m’apprit alors – nous étions fin août – que Greg Fergus allait faire une annonce au sujet de la ligne de tramway ouest-est. Quelle ne fut pas ma déception de constater que l’annonce concernait en fait une énième consultation et une nouvelle étude, avant d’aller peut-être de l’avant un jour! On peut toujours rêver. Pourtant nous voilà aujourd’hui en campagne électorale pour la mairie, avec de possibles changements à la clef.
À ce sujet, j’ai entendu plusieurs fois le mot de « vision ». Terme galvaudé si l’on y regarde de plus près. En effet, parler de baisser les taxes (qui sont toujours trop élevées, vous remarquerez — un cliché néo-libéral —); de rajouter des bus pour faciliter le transport; de construire des écoquartiers (sont-ils vraiment plus écologiques ou plutôt porteurs de bénéfices économiques pour leurs constructeurs); de cesser les divisions au sein du conseil; d’être pour ou contre un parti municipal… C’est donc cela avoir une vision pour la ville de Gatineau? Je comprends que ses sujets méritent débat, mais peut-on également voir plus profond et plus loin?
Être à l’écoute des citoyens est une chose, mais s’il vous plait, Mesdames et Messieurs les candidats, montrez que vous avez réfléchi sur vous-mêmes, pensé à notre avenir et que vous vous présentez avec une vision ambitieuse mais lucide, raisonnée mais audacieuse, de l’avenir de notre communauté. Disons dans deux générations? Avoir une « vision » de la gestion des affaires municipales (meilleure communication, recherche du consensus, meilleure gestion financière), c’est bien, mais selon moi réducteur. Élargissez votre horizon!
Et puis, ne comptez pas administrer la ville, ce gouvernement local, comme une entreprise. Pourquoi? Tout simplement, parce que vous interagirez avec des usagers, des bénéficiaires, des citoyens et non avec des clients; parce que le but n’est pas le profit (réduire les coûts en augmentant les bénéfices), mais l’assurance d’un service optimal à la population. Que les gens d’affaires qui se présentent et mettent en avant leurs qualités de chefs d’entreprises utilisent au moins les bons arguments : leadership, audace, goût pour l’innovation, capacité à garder une vision globale, à ne pas céder à la pression, ça, oui!
Par ailleurs, une chose m’agace particulièrement : constituer un programme à partir d’une consultation de la population. Du genre : « je suis un(e) grand(e) démocrate, je me préoccupe de vous, alors je fais du porte-à-porte afin d’élaborer ma plateforme électorale ». Cela s’appelle tout simplement de la démagogie ou du populisme. Si vous suivez vraiment les desiderata de chacun, votre programme politique sera constitué d’un fatras de mesures hétéroclites, voire contradictoires.
La véritable vision, elle, est globale et visionnaire, elle amène une cohérence dans la démarche et les solutions proposées. Comme un courant, elle entraine à sa suite un lot de mesures qui répondent à la même philosophie. Mais attention, futurs conseillers ou maire, vous devez être informés et conscients des vrais enjeux qui nous attendent. Si beaucoup des décisions qui nous touchent au premier chef dans notre quotidien viennent des municipalités, alors soyez certain(e) d’être humaniste, de voir loin et de vous hisser au-dessus de la mêlée.