ÉDITORIAL
Un certain ras-le-bol
La photo me fait sourire. On y voit deux femmes : à gauche, la porte-parole pour l’Église unie du Canada et à droite, une représentante du Conseil national des musulmans canadiens. Comme par hasard, les deux religions qui se nourrissent à la même source, le monothéisme de l’Ancien Testament, ont envoyé deux femmes pour témoigner dans le cadre des consultations sur le projet de loi 21 concernant la laïcité de l’état québécois. Ne manquait qu’une « rabbine », ce qui n’existe pas, puisque cette fonction est interdite aux femmes dans le judaïsme. J’ai souri de l’ironie de la situation : ces religions, qui ont la misogynie vissée au corps (relisez le Coran, l’Ancien ou le Nouveau Testament), ont envoyé deux femmes pour défendre les droits des femmes!
Non, ne rétorquez pas que tout est égal par ailleurs, et que les principes moraux (ce à quoi nous accordons une importance, qui crée par conséquent une hiérarchie de notions commandant nos actions), portés par ces religions, aujourd’hui dominantes dans le monde et clairement patriarcales, valent autant que ceux de la société moderne, laïque, comme l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous ne pourriez même pas appliquer ce genre de principe relativiste cinq minutes à votre propre situation…
Et puis, si les signes religieux sont si peu symboliques et porteurs de signification, ainsi que l’avancent plusieurs zélotes des libertés individuelles, il devrait être très facile de s’en défaire, non? D’ailleurs, pourquoi enlever les « signes » publicitaires dans nos écoles? Ils n’influencent en rien nos enfants, voyons! Ça pourrait même faire une source de revenus supplémentaire… Quitte à parler des droits et libertés, pourquoi parle-t-on si peu des gens qui ne croient pas (les athées) ou qui n’adhérent à aucune religion (agnostiques, déistes) ou bien encore des croyants qui n’ont pas besoin d’accessoires pour soutenir leur foi, qui n’appliquent pas les règles à la lettre. Ils existent pourtant et constituent une majorité silencieuse. Bien souvent, ils ont suffisamment vécu l’oppression de la religion dans leur pays d’origine pour en connaitre les incohérences et l’absurdité. Ils comprennent que si l’on veut servir tout le monde – comme un fonctionnaire, par exemple — sans incommoder personne, il est mieux de laisser ses convictions politiques ou religieuses à la maison ou dans son casier.
Ô peuple de mauvaise foi, vous savez pertinemment que la loi 21 n’empêche nullement de croire ou d’afficher sa religion, mais seulement dans le cadre de certaines professions, lorsque l’on est une figure d’autorité coercitive (même un enseignant donne des retenues!). C’est sans compter sur son autorité morale en plus. Et si vous pensez encore comme le Bouchard d’aujourd’hui, je vous renvoie à l’article plein de « preuves » du journal La Presse, en date du 10 mai (« Pourquoi l’image des profs doit être laïque »).
À votre tour de prouver que les religions sont un facteur de progrès plus que de régression et de conservatisme. Que je sache, ce ne sont pas les laïques ou les athées qui ont condamné à mort Asia Bibi pour un mot (supposément) de travers, après une dispute autour d’un verre d’eau; qui ont tué 300 chrétiens dans des églises en un seul jour; ou qui s’arrachent des bouts de terre au Proche-Orient, au nom de leurs droits « historiques ».