ÉDITORIAL
Un déni de démocratie
Il est étonnant d’assister à un renforcement de la démocratie locale, alors que la démocratie sur le plan fédéral s’embourbe dans les promesses non tenues.
Avec la loi 122, le gouvernement Couillard conforte les municipalités comme gouvernements de proximité, plus autonomes, moins contrôlés par le gouvernement provincial… avec les bons côtés que cela comporte (une prise de décision sur le dé-veloppement plus proche des réalités des citoyens ; un budget discrétionnaire), et les mauvais aussi : le maire Labeaume voudrait carrément supprimer les référendums locaux, qu’il trouve antidémocratiques, alors que c’est le contraire! La démocratie représentative se résume-t-elle à aller voter une fois tous les deux 4 ans et puis c’est tout? Ne nous exposons-nous pas à plus de collusion entre les élus municipaux et les entreprises, quand on sait que les villes pourront bientôt octroyer un contrat à une entreprise pour moins de 100 000 $ selon les règles qu’elles décident elles-mêmes? Surtout quand on sait que la moitié des maires au Québec proviennent d’une liste unique, donc ont été élu sans opposition…
Ces nouveaux pouvoirs doivent donc s’accompagner de plus de transparence et d’information auprès des citoyens. C’est le bon sens. À Gatineau, par chance, le maire Pedneau-Jobin a pris les devants éthiques dès son arrivée. Nous pouvons s’adresser à nos élus lors des conseils municipaux et des différentes consultations orchestrées par les équipes en place, mais aussi en se rendant sur le site web de la ville pour assister en ligne aux séances du conseil. Ajoutons-y plus de transparence et d’écoute auprès de plusieurs milieux, des initiatives qui ont simplifié les règlements, et à première vue moins de népotisme, de collusion et de discussions d’alcôves.
Cependant, le scrutin reste majoritaire unino-minal à un tour, ce qui a permis, entre autres au niveau provincial, au PLQ de rafler une majorité d’élus (70 des 125 sièges) avec seulement 40 % des votes lors des dernières élections. René Lévesque a essayé par deux fois, Charest une fois (sans se donner les moyens) d’introduire plus de proportionnalité (1 personne = 1 voix), en vain. Au moins ils ont essayé! Justin Trudeau, lui, a promis de changer les choses, et a ensuite reculé après un semblant de consultation par Internet. Son constat : les Canadiens ne veulent pas plus de proportionnelle. Insultant, non? C’est comme dire que vous, moi, nous ne voudrions pas être mieux représentés! Qui n’en voudrait pas? Les sensibilités politiques, les territoires ruraux seraient représentés plus fidèlement par rapport aux nombres de voix qu’ils recueilleraient. Tout simplement. Pourquoi le refuser, sinon parce qu’on sait que l’on y perdra en tant que parti dominant? En effet, il faudra accepter de partager le gâteau, d’avoir une opposition plus variée, peut-être plus acerbe. Le but? Le pouvoir sans partage, sans concurrence, sans concession pour s’allier à d’autres partis afin de dégager une majorité. Cette approche est profondément antidémocratique. L’argument de la stabilité est un faux argument 1) parce que rien ne dit que cela sera plus instable que deux partis (plus ou moins) alternants, mais toujours confrontés à une (vraie) majorité de citoyens mécontents 2) parce qu’il s’agirait d’injecter de la proportionnelle, mais pas de rendre les scrutins intégralement proportionnels. C’est l’idée du scrutin proportionnel mixte compensatoire.
Finalement, en rompant sa promesse, Justin Trudeau montre la limite de son adhésion à l’idée même de démocratie et nous prouve qu’il n’a pas la vision à long terme et le courage qu’il affiche. Dans ces conditions, comment s’étonner du cynisme de la population vis-à-vis des politiciens standards et de leur désaffection des isoloirs? Ces valeurs, ce sont celles que porte le Canada?