ÉDITORIAL
Un dilemme cornélien
Et dire que j’avais prévu écrire un bel éditorial sur les barbes! Il vous faudra attendre. En effet, l’actualité m’a rattrapé : la neige est tombée. Quoi, vous pensez que je vais parler de la neige? Commençons par cela : qui n’est pas concerné, même à petite échelle? Tenez, une bordée de neige pendant la nuit; le matin, vous voulez sortir de votre stationnement; vous essayez de vous engager dans votre petite rue, avant de vous rendre sur le boulevard qui vous mènera au travail. Impossible! La déneigeuse n’est pas passée… et ne passera pas de l’hiver. Pourquoi?
Désormais, la ville de Gatineau garantit l’entretien dans les 24 heures de 540 km de trottoirs (un trottoir sur deux sur les artères principales, dans les rues collectrices des déchets et les rues locales). Soit 64 km de trottoirs en moins cette année, suite à l’adoption du budget 2016. Économies pour la ville : 240 000 $. Monsieur le maire soutient qu’en période d’austérité générale, c’est ça que ça prend. Et puis en plus, ce serait des trottoirs non utilisés. Ajoutez à cela une réduction de l’équipement, et hop! nous voilà en route vers l’« optimisation des ressources ». L’intention est louable. On pourrait objecter que des ainés ou des personnes handicapées qui auraient le malheur de vivre dans une de ces rues où il y a peu de circulation, par exemple, risquent également pour leur sécurité physique. Ou que cela n’a pas empêché les citoyens d’Aylmer ou d’ailleurs de ne pouvoir accéder à de grandes artères, comme le remarquait Mathieu Bélanger dans le Droit du 4 janvier. On marche alors dans la rue, au risque de se faire renverser par une automobile ou happer par un autobus.
Par ailleurs, au chapitre de la sécurité routière, vous avez sans doute remarqué que nous avons depuis la mi-novembre, des radars routiers placés alternativement sur 20 sites, en plus des caméras habituelles. Cela va contribuer à réduire la vitesse, donc à limiter le risque d’accident, c’est sûr. Les études le prouvent, le nombre de véhicules dépassant la limite de vitesse en vigueur a vu leur nombre se réduire de 10 à 35 % dans la plupart des pays [http://www.cochrane.org/fr/]. De fai, la quantité d’accidents, avec blessures et/ou morts, baisse, dans des proportions très variables, surtout dans les zones de radar ou proches d’elles; l’amélioration est moindre, si l’on s’éloigne des radars. Malheureusement, aucune étude n’a poussé son analyse jusqu’à être capable de fournir des chiffres plus précis illustrant cette corrélation à l’échelle d’un territoire…
Pour revenir à nos trois radars aylmerois, ils ministère des Transports du Québec. Il faut comprendre que le système choisi, dont Gatineau fait volontairement l’expérimentation pendant 18 mois, est constitué en fait de trois appareils : deux appareils photo en plus d’un flash, puisque nous n’avons plus de plaques d’immatriculation; s’y ajoutent les « boucles d’induction mécanique » sous la chaussée pour mesurer la vitesse du véhicule. Comme le remarque La Presse, c’est un « système complexe, peu souple et surtout couteux ». 255 000 $ et des poussières par radar. Oui, vous avez bien lu. Ajoutez-y un entretien annuel de 21 500 $ environ.
Bref, si je résume l’affaire : pour notre bien, mais pas pour notre sécurité sur les trottoirs et 240 000 $ et dans le même temps la province a dépensé des millions de nos impôts pour une dizaine de radars routiers, dont quelques-uns atterrissent devant chez nous. Y avait-il d’autres options que le tout sécuritaire? Le jeu en valait-il la chandelle?