LETTRE
Un marché de dupes
Je fais partie de ceux et celles qui, de 2009 à 2012, ont tenté, sans succès, de s’opposer au démantèlement de l’hippodrome d’Aylmer et de la zone récréative sur laquelle celui-ci prenait place. Nous souhaitions que les citoyennes et les citoyens puissent continuer à profiter de ces investissements et espaces collectifs qui se font de plus en plus rares en milieu urbain. À ce souhait, la Ville, ses élus et certains de ses fonctionnaires de l’époque ont préféré organiser des « consultations publiques », à mon avis truquées, où on nous expliquait à l’aide de graphiques et de cartes, et sans rire, que le 40 % du zonage récréatif qui correspondait à l’hippodrome n’allait pas être perdu mais saupoudré ici et là à travers ce que l’on nous présentait comme le futuriste éco-quartier Connaught ! Des rapports de consultation bidons, — faut bien le dire !— ont paru où j’ai même eu du mal à reconnaître mes propres propos tant ceux-ci avaient été triturés, déformés, vidés de leur contenu principal. Quelques années plus tard, le « quartier Connaught » sort de terre. Comme par magie, la mention d’éco-quartier disparaît ! Faut-il s’en étonner ? Aux promesses écologiques succède la seule recherche de profit, « l’obsession de la croissance éternelle » dit, à juste titre, Greta Thunberg. En me promenant récemment dans ce nouveau quartier, je me suis sentie déprimée par l’absence d’arbres, la dévalorisation du ruisseau Connaught, et du manque d’imagination pour le mettre en valeur.
On peine aujourd’hui à le différencier des espaces de stockage du chantier de construction qui se poursuit. Or, la définition même d’un éco-quartier sous-tend une approche où les espaces naturels en forment la trame. Ne pas saisir cette chance de mettre en valeur un ruisseau, en respectant ses rives, 15 mètres de part et d’autre, est franchement désolant! C’est d’autant plus surprenant qu’on s’emploie, ailleurs, à exhumer des ruisseaux autrefois enfouis. Quiconque prétend faire dans l’éco-quartier aurait vite compris l’importance de cet atout environnemental. Mais tel n’était pas le cas. Nous ne sommes pas dupes. À l’heure des changements climatiques, où il est plus que temps de penser à l’empreinte du bâti sur l’environnement, à la préservation des espaces verts et récréatifs, aux cours d’eau, sources de vie utiles à la rétention des eaux en ces temps d’inondations, et au contrôle des pollutions à l’origine de tant de maladies, jeunes couples et familles à la recherche d’un nouvel habitat, pensez à vos enfants! Il est temps d’exiger plus de nos bâtisseurs, de la Ville et de nos représentants élus! Acheter est un geste politique et il est vraiment temps d’agir.
Nathalie Bélanger