ÉDITORIAL
Un peu d’humanité et d’hospitalité, que diable !
Si l’on peut juger des valeurs et du degré d’évolution (morale) d’une société à la qualité de son accueil des visiteurs ou des nouveaux arrivants, je crois que nous ne sommes pas si ouverts et accueillants que nous nous plaisons à le claironner.
Ici, au Canada, nous avons appris récemment que le même gouvernement libéral qui affirme s’attaquer au racisme systémique et prône la diversité interdit toute communication entre les immigrants illégaux détenus et l’extérieur de leur prison (mais un criminel de droit commun canadien y a évidemment droit), ou encore bloque l’immigration des étudiants francophones africains. Bel exemple ! Les chiffres sont là : le nombre d’étudiants anglophones au Québec augmente aussi sûrement que le taux de refus pour ceux venant des pays africains francophones. Nous sommes à près de 100 % de refus pour certains pays du Maghreb, malgré les garanties financières ou même qu’il ou elle est déjà admis-e dans un programme. Ainsi, les étudiants indiens, ni plus riches, ni mieux éduqués, et certainement pas francophones, entrent en nombre record, alors que sont refusés des dizaines de milliers d’Africains (près de 36 000 entre janvier 2020 et septembre 2021).
Parmi les pays développés proches de nous culturellement, voire considérés comme des modèles, figurent deux « puissances », qui sont en réalité pire que nous : la France et l’Angleterre. La dernière polémique (et crise diplomatique) en date, sur fond de crise migratoire chronique à l’échelle de la planète, encore davantage autour du bassin méditerranéen, nous le prouve. La semaine dernière, 27 migrants se sont noyés dans la Manche, qui sépare les deux pays. Remettons les choses en perspective : selon l’ONU, au mois de mars 2020, le bilan des migrants morts en Méditerranée (des individus ou familles fuyant la pauvreté, la famine et la mort) a été de 20 000. Vous ne le saviez pas ? Est-ce qu’on en fait tout un foin ? Poser la question, c’est (malheureusement) y répondre.
De plus, ce qu’il y a de pitoyable, c’est que les deux nations se renvoient la responsabilité… Ce serait un peu — toute proportion gardée — comme dire que le frein à l’immigration francophone vient du système informatique : qui programme cette application ? La situation est odieuse, intolérable. Soit l’on admet que l’immigration massive et sauvage est un fait, que l’on n’y peut pas grand-chose (un mur est une mesure illusoire, qui ne fait que déplacer le problème, les gens tenteront simplement de le contourner), et bien, pourquoi les autorités publiques ne s’occupent-elles pas minimalement de ces immigrants (en fait plutôt des réfugiés), en satisfaisant à leurs besoins primaires (manger, dormir, avoir un toit) ? Ne serait-ce pas le minimum d’hospitalité et d’humanité normale et naturelle entre humains ?
Soit on réfléchit et l’on comprend que le fond du problème est ailleurs, que la crise est là-bas, dans leur pays d’origine, avant d’être sur leur passage ou à destination (de toute façon, la plupart ne veulent même pas rester en France, ils rêvent de vivre en Angleterre!). Comment se fait-il que nous n’ayons pas encore compris qu’aider à régler, à éviter les conflits, ou encore s’attaquer à la crise climatique dans les pays en développement reste la meilleure manière d’éviter l’émigration des réfugiés, qu’ils soient politiques, de guerre ou climatiques? Quelle sorte de société pensons-nous édifier ainsi pour nos enfants?