LETTRE
Un terrain au coin de Fraser et Lucerne
Lettre ouverte au maire et les conseillers et conseillères
Je me dois de joindre ma voix aux différentes associations de résidents qui s’élèvent présentement pour questionner la mise en vente d’un terrain au coin de Fraser et Lucerne dans le secteur Aylmer. C’est un terrain que j’arpente quasi quotidiennement, jumelles au cou, particulièrement à ce temps-ci de l’année.
Le Club d’ornithologie de l’Outaouais avait fait il y a quelques années un travail d’identification des espèces qui fréquentent l’endroit (des centaines !). On ne peut qu’être ébloui par la biodiversité de cette zone. J’y ai vu les spectacles les plus splendides. Ce matin encore, des pics flamboyants s’y faisaient la cour, des sitelles à poitrine blanche s’affairaient à leurs nids, des jaseurs d’Amérique et des roitelets à couronne dorée s’y nourrissaient, de même que la grande aigrette blanche et les canards branchus. Imaginez-vous seulement la richesse de ce coin de terre outaouaise ? On va souvent bien loin pour trouver moins bien que ce qu’on a sous les yeux. Ceux qui s’y connaissent le moindrement savent que ce secteur fait partie des plus riches zones ornithologiques de l’Est du Canada. Et je ne suis qu’une ornithologue amateur débutante. Demandez aux nombreux ornithologues chevronnés que compte l’Outaouais, ils vous confirmeront ce fait. Et que dire des mammifères pour qui c’est la maison, le garde-manger. J’ai vécu un moment de grâce juste là où vous projeter de tout raser, un soir de septembre, quand une biche et ses deux faons m’ont laissé tranquillement les observer brouter pendant 20 bonnes minutes. Et je ne parle même pas des insectes, des batraciens, etc.
On veut densifier. Soit. Les villes européennes savent le faire. Il est impressionnant de constater les énormes parcs urbains qu’ils arrivent à conserver. Laissons de côté les grosses maisons unifamiliales et même les rangées de jumelés et là on pourra commencer à parler de densification. Mais voyons à conserver les poumons de nos villes. Ce sont des villes. Elles ont besoin de nombreux poumons. Gatineau a-t-elle vraiment besoin d’augmenter sa production de gaz à effets de serre ? D’augmenter ses îlots de chaleur ? De détruire ses poumons, ses îlots de fraîcheur ? De détruire ses remparts contre les menaces climatiques, de détruire ses marais filtrants ? D’ailleurs, pourquoi l’appel d’offres ne fait-il pas mention du fait qu’une zone inondable se trouve juste là ? Vous me direz que vous n’allez pas construire sur la zone inondable. Soit. N’avez-vous pas appris que les zones inondables sont appelées à s’étendre dans les futures décennies ? Et la belle et majestueuse chênaie qui se trouve juste au nord, fait partie de cet ensemble d’habitats. Tout se tient. Toucher à cette zone, c’est continuer de prendre à la Grande Rivière ce qui lui appartient. Alors, il faut en conclure que les inondations de 2017 et 2019 n’ont pas fait encore assez mal…
Cette zone est stratégique ! Le travail énorme de repérage qui le prouve a été fait. Allons-nous ignorer ce travail ? L’humain ne semble pas être doué pour savoir ce qui est bon pour lui. Les temps actuels nous montrent pourtant que la nature est tout à fait capable de reprendre ses droits. Cessons de la pousser dans ses derniers retranchements. Nous pourrions nous en mordre les doigts. Soyons, de grâce, plus vigilants ! Nous tenons là un TRÉSOR ! Gatineau doit s’ouvrir les yeux et le voir. Projetons plutôt d’épurer cette zone de nos cochonneries. Depuis trop longtemps, les humains dans leur grande inconscience ont pris cette zone pour un dépotoir. Elle a besoin qu’on la nettoie et qu’on la protège. Il en va de notre propre salut.
France Gagnon
Résidente du chemin Fraser
Aylmer