ÉDITORIAL
Un tram plus que jamais nécessaire
Je suis certainement naïf. Je croyais vraiment que le projet de tramway (ou train léger) de notre côté de la rivière, à l’ouest de Gatineau, avait une chance de voir le jour, disons dans cinq à dix ans. Malgré ma méconnaissance en matière de construction et d’administration publique, la motivation inébranlable de Greg Fergus, la nomination d’André Fortin comme ministre des Transports du Québec et l’accord de principe de l’équipe d’Action Gatineau me poussaient à y croire.
Mais la semaine dernière, une nouvelle est tombée qui a fait vaciller cette certitude : la ville de Québec lance son projet de tramway à 3 milliards de dollars, avec un financement provincial et fédéral. Le « nouveau transport structurant » fonctionnera dès 2026. Et soudain, une ombre plane au-dessus du projet gatinois. En effet, 1) Le maire Labeaume profite du momentum offert par le gouvernement de Trudeau, qui a lancé avec flonflon un grand programme d’infrastructures 2) la conjoncture économique est favorable (reprise économique, excédents budgétaires). Cependant, il est tout à fait possible que d’ici dix ans, le fédéral ne puisse plus financer de tels projets, et alors, que fera le gouvernement provincial?
Ô naïf que j’étais! Je n’avais jamais entendu parler de ce projet de Québec. Pour ma défense, je ne suis arrivé au Canada qu’en 2005, mais quand même… Sur le moment, je l’ai cru sorti du chapeau magique du maire Labeaume, au même titre que le retour des Expos. Il nous avait damé le pion, j’étais furieux. Puis, je me suis renseigné. Et là, ma stupéfaction a grandi. Ce projet ne date pas d’hier.
Primo, Québec a longtemps bénéficié d’un tramway, de 1897 jusqu’en 1948! On peut donc dire qu’il y a une mémoire collective inscrite dans l’histoire de la ville, comme chez nous, qui avons eu un tram et un chemin de fer durant la première moitié du XXe siècle. C’est un élément encourageant pour réimplanter ce genre de transport moins polluant. Secundo, l’idée a été relancée depuis 2000. Une première étude de faisabilité a été commandée au Réseau de transport de la Capitale par le ministère des Transports du Québec. Le résultat tombe en 2003 : elle recommande la construction d’un réseau de tramway. En 2005, la ville l’inscrit dans son plan directeur d’aménagement et de développement 2005-2025. Cinq ans plus tard, le comité sur la mobilité durable dépose un rapport : il faut le faire avant 2030. En 2015, une deuxième étude de faisabilité conduit à l’abandon du tramway pour un service rapide de bus (SRB), conjointement avec la ville de Lévis. La ville de Lévis se retire en 2016. L’an dernier, suite à sa réélection, Labeaume relance le projet de tram, et nous voilà en 2018 avec un engagement ferme de toutes les parties, qui permettra à la ville d’entrer (enfin) dans le XXIe siècle que la plupart d’entre nous veulent, celui du développement durable, du virage vert et des énergies « propres », notamment dans les transports urbains.
Et nous, à Gatineau, où en sommes-nous? S’il a fallu à Québec 25 ans - une génération entière - pour concrétiser un tel projet, quand le verrons-nous? Et comme Québec avec Lévis, nous devrons composer avec Ottawa… Enfin, la conjoncture politique et économique a permis une fois cet investissement massif des deux paliers de gouvernements supérieurs, sera-ce encore le cas dans dix, quinze ou vingt ans? Déjà, avec les élections provinciales à l’automne, que se passera-t-il si la CAQ prend le pouvoir? Le temps presse. Si la ville dépose un projet d’ici au mois de juillet, tout est encore possible.