Une conférence de Roger Blanchette commémore le centenaire des émeutes d’avril 1918
Nathalie Nadeau Mijal
Mercredi dernier, le 18 avril, Roger Blanchette, professeur et historien spécialisé sur l’histoire de l’Outaouais, a donné une conférence intitulée « Avril 1918 : Quand la Grande Guerre se Transporte au Québec » au Musée de l’Auberge Symmes. Un public d’une quinzaine de personnes a assisté à cette conférence gratuite qui était donnée pour souligner le centenaire de cet événement.
Le 1er avril 1918, à Québec, une confrontation entre des soldats de l’armée canadienne et des citoyens québécois occasionne quatre morts, des dizaines de blessés et une soixantaine d’arrestations. Cet événement était d’une telle importance qu’il a même remis en question la Confédération du Canada, qui n’avait été adoptée que 51 ans auparavant. « S’il y a un moment où le Québec a failli se séparer du Canada, ce n’est pas au référendum de ‘95, ce n’est pas à la crise du Lac Meech, c’est à ce moment-là, au mois d’avril 1918 », énonça M. Blanchette. Quoique le contexte de cette altercation était l’établissement de la loi sur la conscription par Robert Borden, le tout s’est déroulé dans un climat tendu entre le Canada francophone et anglophone.
Lors de cette conférence, M. Blanchette a expliqué les péripéties menant à ces émeutes, l’atmosphère nationale pendant la Première Guerre mondiale et les conséquences à long terme. Le conférencier a remarqué (possiblement avec un peu d’ironie) que, malgré les nombreuses célébrations du 150e anniversaire de la Confédération et la remémoration de la Bataille de la crête de Vimy, le gouvernement fédéral n’a proposé aucune commémoration du centenaire de cette crise du 1er avril 1918.
« Si on veut comprendre l’événement, il faut aller chercher les causes profondes », a commencé M. Blanchette. Cette recherche est compliquée par le fait que cet événement majeur est rarement mentionné dans les livres d’histoire, selon l’historien. Ce qui contribue au climat des émeutes d’avril 1918 est le sentiment anti-canadien-français exacerbé par l’affaire Riel et la guerre des Boers à la fin du 19e siècle, en plus du règlement 17 en 1911 et de l’abolition des écoles de langue française au Manitoba en 1916. « Donc, c’est l’accumulation de tout ça » qui mène à un questionnement de la part des Canadiens français sur leur position dans la Confédération. « Tout ça en ensemble a fait que quand la guerre éclate en Angleterre… les Canadiens français ne voyaient pas trop en quoi ça les concernait », a-t-il affirmé.
La conscription est annoncée en 1917 et le débat national atteint son dénouement la fin de semaine de Pâques 1918 à Québec. Joseph Mercier, 23 ans, est en congé de l’Université Laval et profite de ce jeudi soir pour jouer aux quilles. « Il se fait demander ses papiers [d’exemption] », raconta M. Blanchette. Le jeune admet qu’il ne les a pas avec lui et se fait arrêter. « Avec tout le climat explosif… quand la rumeur s’est répandue… des milliers de jeunes se sont rassemblés pour protester ». Ils ont fini par libérer l’étudiant en question et on détruit l’édifice où il était tenu. Le général Landry, indifférent aux conseils du chef de police de Québec, fait défiler les soldats de l’armée canadienne devant la foule. Le dimanche de Pâques, tandis que la population en vacances se promène dans la rue, l’ordre du général est clairement donné : « Tirer pour tuer ». Dans cette « folie » que M. Blanchette a comparé à des scènes de Sarajevo des années 1990, quatre jeunes hommes sont tués. À la suite d’une enquête, il est révélé que les victimes n’étaient pas des manifestants. Les autorités sont blâmées et des compensations exigées.
M. Blanchette, historien passionné, a fait le lien avec d’autres conflits à travers l’histoire et à travers le monde. Il a tracé les conséquences de cet événement, notamment pour le parti conservateur. « Il n’a plus jamais eu de député conservateur au Québec. Au fédéral, ça va aller uniquement à Brian Mulroney ». Pour conclure ce discours sur ce sujet si peu discuté aujourd’hui, M. Blanchette a souligné l’importance de connaître l’histoire, qui « nous permet de comprendre où on est aujourd’hui ».
La prochaine présentation de Roger Blanchette intitulée « Les Chantiers de l’Outaouais, creuset de la culture québécoise » sera le 29 avril 2018 à 14 h à l’Association du patrimoine d’Aylmer.