ÉDITORIAL
Zoom fatigue
La semaine dernière, j’ai rencontré pour la première fois — à cinq mètres de distance et avec un masque — une proche collaboratrice, avec qui je travaille depuis bientôt six mois ! Incroyable, non ? C’était irréel. Après une année passée dans un télétravail auquel nous avons tous fini par nous habituer. Est-ce vraiment le cas d’ailleurs ? Et à quel prix ?
Comme pour une maladie, nous faisons avec, en en reconnaissant les avantages (moins voire aucun déplacement aux heures de pointe ; présence accrue auprès de nos proches) … et en acceptant les inconvénients évidents, surtout en termes de contacts sociaux et de volume d’heures de travail. Combien d’entre nous passent-ils leur journée à courir (virtuellement) d’une réunion à l’autre ? Pour quel résultat, qui aurait pu être réglé avant, entre deux portes, en quelques minutes ? Mais comment faire autrement ?
Comme pour le reste, notre société est dans la surconsommation, dans la surexploitation. D’où la « Zoom fatigue » (épuisement par le télétravail), une pathologie qui, depuis 2010, a été documentée par plusieurs recherches. Des facteurs de stress étonnants et nouveaux apparaissent : la taille du visage à l’écran, la constante exposition de soi ; les personnes introverties et les jeunes étant les plus touchés… Le bien-être, la satisfaction et même la performance en pâtissent. Attention, cela ne signifie pas pour autant que nous étions épanouis avant le Coronavirus non plus ! Et c’est sans compter le contexte anxiogène de la pandémie ou la promiscuité (tout le monde n’habite pas une maison unifamiliale avec quatre chambres et un sous-sol aménagé).
Le télétravail est avantageux quand il est organisé, et dans des conditions optimales, avec un droit à la déconnexion par exemple. Il est prouvé que les gens travaillent davantage en règle générale depuis chez eux. La bonne gestion consisterait alors à leur donner des tâches avec des objectifs clairs, en leur laissant toute la latitude pour les atteindre ; le nombre d’heures devant l’écran n’étant pas un critère de productivité, comme on le sait. Pire pour les microgestionnaires : il semblerait que ce type de contrôle rebute les candidats… En période de pénurie de main d’œuvre, à éviter peut-être !
Reste que désormais, le retour en arrière est peu probable ; le travail à distance va rester, au moins partiellement. Mais ces moments improvisés de socialisation au détour de la machine à café ou dans le local à photocopie sont irremplaçables ; et ont été largement sous-estimés par le passé. Nous travaillerons plus volontiers en mode hybride à l’avenir.
Dès lors se pose un autre problème : la visioconférence est un mode de communication énergivore et hyperpolluant. Certes, les bouchons de circulation ont quasiment disparu et la pollution due aux transports a diminué, mais les émissions de GES consécutives à toutes ces activités « virtuelles » comme les transactions financières avec des Bitcoins, sont faramineuses. Pourquoi ? Parce qu’elles nécessitent des serveurs informatiques qui consomment énormément d’eau (pour les refroidir) et d’électricité. Selon le MIT, rien qu’en éteignant votre caméra, vous réduisez de 90 % la charge sur les serveurs. Nous produisons individuellement 1 kg de CO2 par heure de conférence, soit l’équivalent de la pollution moyenne d’une automobile sur 5 kilomètres ! En termes de consommation d’eau, on utilise également le volume d’une douche.
Alors, une première solution pour moi, qui suis enseignant : couper la caméra si je ne parle pas.