LETTRE
Au-délà du hockey
Les Penguins de Pittsburgh viennent de remporter la Coupe Stanley. Les prouesses de ces héros sur glace auront monopolisé l’attention de nombreux amateurs pendant de très longs mois. Elles auront donné lieu à de nombreux débats et nous auront exposé à de très, très longues analyses. Elle nous auront surtout, je le crois, exposé à de très grands transferts d’émotions, de réjouissances et de frustrations! À des transferts d’émotions axés au départ sur la justice, la dignité et la fraternité vers quelque chose de futile et de profondément aliénant.
Pendant que l’on regardait le hockey, que l’on se préoccupant sans fin du sort de ces jeunes millionnaires et de leurs équipes :
- un nombre incalculable de pauvres gens voyaient leurs enfants, leurs frères et sœurs, leurs parents ou leurs proches mourir avant l’âge, dans l’une de ces nombreuses spoliations de terres, de biens et de richesses naturelles dans leurs contrées ou leurs pays;
- près de huit cent millions de personnes souffraient de la faim un peu partout dans le monde; la faim qui s’achève presque toujours dans la maladie et la mort;
- des centaines de millions, des hommes, des femmes, mais aussi des enfants, vivaient une vie qui n’en est plus une, à travailler sans cesse pour presque rien, dans des conditions difficiles, dans ces ateliers de la misère ou dans l’une de ces fermes d’esclavage modernes, créant des tee-shirts, des chaussures, des chemises, des pantalons, des composantes électroniques et toutes sortes d’autres choses, ou cultivant du café, du chocolat ou du sucre pour d’écœurantes multinationales sans conscience et sans regrets;
- un nombre effroyable de femmes et d’enfants nourrissaient l’industrie du sexe;
- des gouvernements comme le gouvernement canadien, élus somme toute par d'assez faibles minorités, continuaient d’œuvrer pour le compte des grandes entreprises et des multinationales, pour l’industrie de l’armement, pour celui de leurs riches bailleurs de fonds ou de leurs électorats particuliers;
- des milliers de travailleurs et d’étudiants réagissaient à la détérioration de leur condition de vie ou aux difficultés grandissantes d’accès à l’éducation;
- des milliers d’autres ici et des millions ailleurs, parlaient de justice, d’équité, de démocratie, de partage, à la maison, au café, sur leurs lieux de travail, dehors, à l’intérieur, partout;
- des foules et des foules se réunissaient pour manifester pour la justice et l’équité, l’égalité, l’environnement et le respect des droits humains, pour de véritables démocraties;
- un nombre incalculable de personnes se rencontraient ici et ailleurs dans le monde pour prendre toutes sortes de mesures afin de contrer des façons les plus démocratiques et non violentes qui soient la guerre, la désinformation, l’exploitation éhontée des humains, des animaux et de l’environnement, et pour bâtir, comme nous nous devons de le faire, un monde libre, égalitaire et fraternel.
Bruno Marquis
Gatineau