LETTRE
Autorisation des forages avec fracturation hydraulique à Anticosti
C’est avec indignation que Nature Québec apprenait que le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a donné les autorisations à Hydrocarbures Anticosti S.E.C pour réaliser des forages avec fracturation hydraulique à Anticosti. Pourtant, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a répété lors de la Conférence de Paris que le « délabrement de ce milieu unique » ne porterait pas sa signature et qu’il n’avait « aucun enthousiasme » pour le développement des hydrocarbures au Québec.
Face à l’incohérence du gouvernement, et alors qu’on ne connaît pas la nature des contrats entre le gouvernement et Hydrocarbures Anticosti S.E.C, on est en droit de se demander ce qu’il adviendra si on trouve du pétrole. Est-ce que le gouvernement du Québec aura les coudées franches pour refuser un éventuel projet d’exploitation pétrolière sur Anticosti, alors qu’il ne peut interdire des forages exploratoires à ce stade-ci?
À plusieurs reprises, le gouvernement du Québec et le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, du plan Nord et responsable de la Côte-Nord, Pierre Arcand, ont affirmé l’importance d’obtenir l’acceptabilité sociale avant d’autoriser les projets gaziers et pétroliers. Or, le 20 mai dernier, la Nation Innue et les élus de la Minganie se sont opposés à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures à Anticosti. Le gouvernement ne peut faire la sourde oreille à cette opposition ferme au projet de forages avec fracturation hydraulique. Ce positionnement illustre que ce projet n’a pas l’acceptabilité sociale requise et le gouvernement ne peut l’ignorer.
La fracturation hydraulique comporte des risques majeurs pour les écosystèmes, notamment les milieux aquatiques. On a donné à Hydrocarbures Anticosti S.E.C des autorisations de prélèvement d’eau dans quatre cours d’eau, dont la rivière Jupiter, pour réaliser ces forages avec fracturation hydraulique. La Jupiter est la rivière la plus importante pour la population de saumons atlantique d’Anticosti. Le développement d’un site de forage et le prélèvement de grandes quantités d’eau pour réaliser des opérations de fracturation hydraulique sont des stress importants pour une espèce sensible comme le saumon atlantique. Aucune station hydrométrique n’est active sur l’île d’Anticosti. Il y a encore beaucoup d’inconnus et d’incertitudes sur l’hydrologie de l’île. Il est irresponsable d’aller de l’avant dans ce contexte.
Si on autorise des opérations de fracturation hydraulique à Anticosti, où les conditions hydrogéologiques et écologiques sont très fragiles, on ne peut qu’être inquiet quant à la multiplication éventuelle de ce type de procédé risqué ailleurs au Québec. La fracturation hydraulique fait l’objet de moratoires ou d’interdictions dans plusieurs juridictions, dont la France et l’Écosse. Le Québec devrait s’en inspirer plutôt que de s’enfoncer dans cette opération risquée.
Sophie Gallais, Nature Québec
Montréal