LETTRE
Aux parents et élèves : mes sincères excuses!
Vous venez peut-être d’entendre la nouvelle. L’entente entre le gouvernement et les enseignants a été ratifiée. Et voilà que je me retrouve dans l’embarras de devoir m’excuser auprès de mes élèves et des parents. Je m’explique…
En début d’année, nous avons annoncé aux élèves qu’une lutte se préparait entre les enseignants et le gouvernement. Malgré leur jeune âge, nous avons tenté tant bien que mal de leur expliquer la situation. « On se bat non seulement pour nous mais également pour vous et votre avenir ». Ce même discours, répété à maintes reprises auprès de la population, a su rallier les parents à notre cause. Le message était clair : fini les coupures en éducation et fini d’hypothéquer l’avenir de nos enfants avec un système scolaire qui ne répond plus aux besoins des élèves. Quoi de plus, fini l’époque où l’on demande sans cesse aux enseignants d’en faire plus avec moins.
Quand nous avons annoncé aux enfants en début d’année qu’il n’y aurait pas d’activités parascolaires ou « spéciales », c’était une journée triste pour tous, y compris pour les enseignants qui prennent un immense plaisir à vivre ces mêmes activités avec leurs élèves. C’était un mal nécessaire pour faire comprendre à tous que la tâche est trop lourde et que nos élèves méritent mieux. Pour ceux qui connaissent notre école (Euclide Lanthier), vous savez qu’il s’agit d’un milieu dynamique et motivant pour les élèves. Malgré les larmes versées et le jeune âge de nos élèves, ils ont su comprendre que leurs sacrifices étaient nécessaires. Les parents ont eux aussi compris que l’avenir de l’éducation de leurs enfants était en jeu. D’ailleurs, on a vu plusieurs témoignages de leur support durant l’année (merci!).
C’est avec beaucoup de chagrin que je vous dis que nous vous avons laissé tomber. Les enseignants ont accepté une convention qui n’aide en rien (ou de façons très minimes) les élèves. Pour sauver la face, notre syndicat nous dit que nous avons fait des gains notables et qu’ils sont fiers de notre lutte cette dernière année. Le gouvernement, lui, branle des chiffres qui laissent croire un investissement massif dans l’éducation alors que ces investissements ne représentent qu’une fraction de ce qui a été coupé ces dernières années. Mascarade politique des deux côtés. Avec de beaux mots, on réussit à faire croire de belles choses à n’importe qui! Mais j’ose croire que la population n’est pas dupe. On est bel et bien perdant par rapport aux demandes que l’on souhaitait pour les élèves. Et les enseignants, quant à eux, n’ont fait aucun gain qui mérite d’être souligné, bien au contraire…
Chaque jour, j’essaye d’inculquer des valeurs à mes élèves. Lutter contre l’intimidation, reconnaître et confronter les injustices sociales, être justes, équitables, bons et respectueux des autres. Alors que nous avons fait face aux plus grands des intimidateurs (gouvernement qui nous menaçait d’une loi spéciale) et d’une grande injustice (une entente de principes qui n’aide en rien les élèves ni les enseignants), nous avons baissé les bras. La menace d’une loi spéciale ou encore l’obligation d’aller au bout de nos convictions par l’entremise de d’autres jours de grève ont tout simplement eu le dessus sur nos convictions.
À un niveau personnel, je peux vous dire que je garde la tête haute. J’ai voté NON aux propositions de notre gouvernement comme ce fut le cas pour 40% de mes collègues. Par contre, comme collectivité, nous avons échoué. Pour cela, je demande pardon à mes élèves pour qui je sers de modèle. J’espère que vous aurez le courage d’aller jusqu’aux bouts de vos convictions lorsque ce sera votre tour de vous battre.
Aux parents, encore une fois, mes sincères excuses. Vous nous avez témoigné de votre support à maintes reprises et de différentes façons. Pour cela, les enseignants vous seront à jamais reconnaissants. Vous nous faites confiance chaque jour avec ce qui vous est de plus précieux et j’ose espé-rer qu’à un moment donné, nous pourrons être dignes de cette confiance à nouveau.
En espérant faire mieux la prochaine fois,
Eric Lafrance,
enseignant Euclide-Lanthier
Aylmer