ÉDITORIAL
CAQ : retour à la réalité
Ô l’ironie de voir un gouvernement dont le credo est l’économie essuyer coup sur coup, en une semaine, deux leçons magistrales. Je parle évidemment du gouvernement caquiste de François Legault et des deux annonces faites par Lowe’s et Bombardier il y a peu.
Les deux situations ne sont pas identiques, j’en conviens. Néanmoins, le résultat est le même sur le plan humain et social : des fermetures de commerces ou de postes, qui constituent le moyen de subsistance de plusieurs concitoyens. N’est-ce pas triste et pitoyable, autant collectivement qu’individuellement?
Prenons le cas de Lowe’s, dans le commerce de détail. Le géant américain de la quincaillerie a annoncé la fermeture de 20 magasins aux É-U et de 27 au Canada, dont 9 au Québec, d’ici fin janvier 2019. Deux ans et demi après avoir racheté ce « fleuron », les dirigeants de Lowe’s ont effectué un « examen détaillé ». Leur verdict est sans appel : l’entreprise est « sous-performante », l’ « avenir de [leur] organisation » en dépend. Maigre consolation : une partie des employés touchés seront peut-être relocalisés, puis les marchands indépendants affiliés à la grande marque ne seront pas affectés. Faits intéressants, depuis le début, il a été affirmé haut et fort que ce rachat visait la croissance des activités, donc une certaine expansion, mais aussi que 17 des magasins québécois Rona seraient simplement convertis en Lowe’s.
Passons à Bombardier, le fleuron québécois par excellence. La direction a annoncé la suppression de 5000 postes, dont 2500 au Québec (1 employé sur 11), en plus de la revente de certaines de ses activités. Le but? En langue de gestionnaire : faire un « solide progrès », « réaliser la “pleine valeur du portefeuille”, c’est-à-dire recentrer les activités, réduire les coûts, pour dégager plus de profits et redistribuer cet argent aux actionnaires en dividendes et aux dirigeants en primes. Faits intéressants : l’entreprise sera bénéficiaire cette année et tout le monde admet que le rachat de la C-series par Airbus commence déjà à rapporter à ces mêmes actionnaires…
Pourtant, les acquisitions d’entreprises sont en général synonymes de processus de rationalisation (réduction des effectifs et augmentation de la “rentabilité opérationnelle, c’est-à-dire des profits et donc des dividendes des actionnaires). Bref, lorsque le rachat a été autorisé, seuls les citoyens moyens comme vous et moi ont pu croire que Lowe’s serait compréhensif et soucieux du bien-être de ses employés ou de l’importance de ses magasins dans le tissu socio-économique local. Par ailleurs, on sait que les grandes entreprises réinvestissent peu leurs profits dans les moyens de production et leurs employés. Elles préfèrent flatter leurs actionnaires.
Le gouvernement Legault a beau jeter la responsabilité sur les libéraux – à juste titre, puisque Investissement Québec et la Caisse de dépôt avaient béni l’opération dans le cas de Rona et acheté près de 17 % de la C-séries avec nos impôts —, n’empêche : c’est l’exemple parfait de ce que produit le système néo-libéral que lui-même prône. « Investissement public, bénéfice privé »,
Bref, François Legault vient de prononcer son premier discours devant l’Assemblée nationale : il promet d’être le gouvernement du changement et « pour le monde ordinaire ». Une déclaration à la fois démagogue et contradictoire, qui me laisse sceptique. Un peu à l’image de son programme.