Loi 40
Cession gratuite de terrains pour des écoles : le maire ne décolère pas
Le maire de Gatineau et président du caucus des grandes villes de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Maxime Pedneaud-Jobin, ne décolère pas face au nouveau projet de loi no 40, adopté sous bâillon par le gouvernement Legault le 8 février dernier.
Le projet de loi, qui prévoit notamment l’abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires, stipule ce qui suit à l’article 272.2 :
« Un centre de services scolaires peut (…) requérir d’une municipalité locale qu’elle lui cède, à titre gratuit, un immeuble aux fins de la construction ou de l’agrandissement d’une école ou d’un centre ».
Québec a déjà dit non à une compensation financière pour les villes qui seront ainsi forcées de céder gratuitement des terrains pour des écoles. Dans les milieux urbains comme Gatineau, où la croissance est forte et les prix élevés, cela représente un problème important. Pour le maire, il s’agit d’une erreur qui va exacerber une situation déjà complexe, et de plusieurs façons. D’abord, les terrains inutilisés sont rares – et très chers! La Ville se verra donc obligée d’acheter des terrains privés, à fort prix et parfois en expropriant, pour les donner au ministère de l’Éducation. Cela ne fait aucun sens aux yeux du maire : « On ne peut pas comprendre pourquoi le gouvernement du Québec paierait pour les terrains des hôpitaux, des CPE, des universités, des cégeps, et qu’il nous refilerait la facture quand il s’agit des écoles ».
Facture de 10 M$ pour les contribuables gatinois
Si M. Pedneaud-Jobin ne souhaite pas transférer la charge fiscale aux contribuables gatinois, « c’est ce que nous devrons faire si on nous oblige à acheter des terrains. Il faut que l’argent vienne de quelque part ». Si c’est le cas, la facture sera exorbitante. On parle de centaines de millions de dollars à l’échelle du Québec. Pour la Ville de Gatineau, c’est 10 millions de dollars au bas mot. Donc, si le gouvernement maintient sa position, il est clair que le compte de taxes des contribuables sera directement touché. Le maire de Gatineau, tout comme plusieurs de ses homologues du reste de la province, estime que la loi forcera les villes à augmenter les taxes foncières municipales pour combler les pertes engendrées par la cession gratuite de terrains aux nouveaux centres de services scolaires.
Le principe défendu par tous les maires du Québec est que les villes (lire les contribuables) n’ont pas à financer le ministère de l’Éducation. Pour eux, il s’agit carrément d’un transfert de taxation de Québec vers les municipalités.
« Les ressources dans les villes sont déjà insuffisantes pour entretenir toutes les infrastructures dont nous sommes responsables, en vertu de quel principe faudrait-il en plus nous forcer à subventionner le ministère de l’Éducation? » fulmine le maire.
Le député libéral et porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé et services sociaux, André Fortin, abonde dans le même sens : « Le gouvernement a adopté sans consultation ou discussion une mesure qui forcerait les municipalités à offrir gratuitement un terrain si aucune entente n’est conclue après une certaine période. Dans ce sens, tout le monde à Aylmer comprend certainement l’importance d’agir rapidement pour construire des écoles. Cependant, la mesure présentée permet de penser que le gouvernement n’aura aucun incitatif de s’entendre rapidement puisque s’il y a impasse dans les négociations, il pourra obtenir un terrain gratuitement. De plus, ces terrains représentent des coûts importants pour les municipalités. Le fait que le gouvernement s’approprie ce droit et par le fait même ces terrains, en introduisant un amendement à la dernière minute, sans consultation des partenaires municipaux et alors que d’autres solutions négociées auraient pu régler le problème, démontre bien le peu de considération du gouvernement de la CAQ pour les contribuables municipaux. Pour toutes ces raisons, nous avons voté contre le projet de loi ».
Deux conseillers votent contre la résolution du maire
Lors de la séance du conseil municipal le 18 février dernier, la majorité des conseillers ont appuyé une résolution du maire de Gatineau contre la clause de la loi 40. Les conseillers Marc Carrière et Jocelyn Blondin ont toutefois inscrit leur dissidence. Ces derniers sont en désaccord avec certains arguments de la résolution, soit que la Ville est à court de terrains et que l’éducation est la responsabilité unique de Québec. Le maire Pedneaud-Jobin ne voit cependant pas l’opposition de deux élus à sa résolution comme un échec. « C’est un message assez fort du conseil qui dit que la décision du gouvernement n’a pas de bon sens », a-t-il affirmé. « Je le vois comme un message solide, clair et sans nuance. »