ÉDITORIAL
Convivencia
Étrange sentiment! Je vous écris depuis la France, où j’ai vécu en direct la demi-finale de Coupe du Monde de soccer. Quand vous lirez ces lignes, la finale aura été jouée et le monde entier connaitra le nom du vainqueur. Cependant, ce n’est pas mon sujet.
Je sortais des célébrations de la St Jean et de la Fête du Canada. Ce sont des fêtes à grande échelle. Depuis mon arrivée, quatre jours passés en France, j’ai vécu plusieurs moments de… De transe? Folie? Partage? En tout cas, des évènements collectifs plus modestes, mais assez intenses, où la communauté se réunit. Je suis d’un naturel sociable, quand il s’agit de contact interpersonnel, ou encore devant un public, mais j’ai plus de difficulté à me fondre dans la foule. Je me mets à l’écart plutôt, j’observe. Un réflexe.
Et devinez quoi? Je m’interromps : à l’instant, sous vos yeux, je me vois offrir une bière de la part d’un français qui m’explique qu’il a mangé peu avant avec des Suisses, des Belges (eux aussi en demi-finale, rappelez-vous), des Anglais, des Néerlandais… Ils prolongent la fête tous ensemble au bar. Comme ça, ils partagent simplement l’instant. Bon, les vainqueurs sont souvent généreux, mais il n’est pas plus facile d’être bon gagnant que bon perdant. Alors, chapeau à cet inconnu qui m’a offert une bière, un soir d’été à Marseillan-Plage, dans l’Aude, sur le bord de la Méditerranée.
En quelques jours, j’ai d’abord assisté à une fête itinérante le long du Canal du midi, près de Toulouse, organisée par un OBNL qui s’arrête une dizaine de fois sur près de 300 km de canal et propose concerts avec des groupes locaux festifs et repas collectifs cuisinés sur place. L’événement s’intitule « Convivencia », « Convivialité ». Ça dit tout, non?
Puis, je suis parti en camping avec mes parents, un oncle et une tante, des neveux et nièces et ma fille cadette. Attention! Le camping en France, ce sont des emplacements plus petits, en milieu semi-urbain, avec plein d’activités pour les adultes et les enfants toute la journée, plutôt suivis d’ailleurs par la clientèle, souvent des habitués qui se retrouvent d’une année à l’autre. Vous voyez le topo?
On est un peu les uns sur les autres. C’est ça l’expérience. Les gens déjeunent devant leurs voisins en petite tenue, se promènent toute la journée en maillot de bain, la bedaine à l’air, prennent l’apéro au pastis et jouent à la pétanque d’un air de connaisseur entre deux séances sur la plage de sable fin qui borde le camping… et rougissent à une vitesse proportionnelle à celle qu’a pris le déplacement tente-bord de mer!
Imaginez-vous regarder sur grand écran une Coupe du monde de soccer, alors qu’une bonne partie des nationalités présentes dans cette compétition le sont également dans l’assistance. De la folie pure dans les gradins du théâtre d’extérieur, où les trois quarts du camping se sont donné rendez-vous… Et malheureusement, une partie de moi a de la difficulté à prendre du plaisir à tout cela, alors que l’autre se réjouit de la liesse et du bonheur évident des gens présents. Après tout, ce genre d’endroits brasse toutes les classes sociales et ce sont les mêmes personnes qui, un soir, au bar du camping, vous offriront une bière au nom de la convivialité.