ÉDITORIAL
Coups de gueule
Cette semaine, à l’heure de la résilience, de la solidarité mais aussi des fausses nouvelles, trois coups de gueule en vrac. Peut-être une manière pour moi de ventiler, alors que, confiné volontaire, je reste chez moi l’essentiel de ma journée depuis quatre semaines !
Le premier à propos des « croisiéristes » qui ont accosté les côtes de Floride depuis leurs paquebots (le Zaandam et le Rotterdam), après 27 jours d’errance, pendant lesquels tous les pays de la région leur auront refusé l’accès. Au total 2500 personnes dont 248 Canadien-ne-s, qui avaient quitté Buenos Aires en Argentine le 7 mars dernier pour finir au Chili le 21 mars. La presse note que ce fut un vrai calvaire… Hum, mais excusez-moi, quand exactement ces personnes sont-elles embarquées ? Parce que ce genre de croisière cheap (oui, oui), dont raffolent plusieurs d’entre nous sous prétexte de voyager — comme si rester 3 h dans un pays, le temps de descendre du bateau, visiter un marché local et remonter à bord était du voyage — dure environ 18 jours et 17 nuits. Or, si la CoVid-19 a été déclarée pandémie le 11 mars, on connaissait l’état de la situation sur tous les continents bien avant ; les consignes de confinement en Europe avaient été mises en place et les courbes de progression du virus connues de tous. Alors quoi ? Tu pars sur un bateau — lieu clos par définition, sous-équipé en matériel et en personnel médical — en pensant que tu éviteras l’une des pires épidémies jamais vues ? Et on devrait te plaindre en plus…
Le second coup de gueule concerne la fameuse « méthode chinoise », que l’on cherche à nous vendre comme l’une des solutions possibles face à la pandémie. Bien sûr que c’est une solution, mais efficace ? D’après les autorités chinoises, qui cherchent à vendre et leur approche (ils envoient des conseiller-e-s partout dans le monde pour venir en appui à des gouvernements, comme en Iran ou en Italie) et surtout leur matériel médical, absolument. Les autorités chinoises ? Les mêmes qui savaient depuis fin novembre qu’une épidémie était en cours, ont envoyé des centaines de lanceur-e-s d’alerte (pardon, coupables d’avoir « propagé des rumeurs ») en prison en décembre et janvier afin d’étouffer l’affaire, avant de reconnaître les faits. Résultat : l’ordre de confinement n’est tombé que le 22 janvier. Ce même gouvernement publie des chiffres impossibles : seulement 2535 mots à Wuhan, capitale de la province du Hubei et 3400 dans tout le pays ? C’est le nombre de décès mensuels en temps normal. Parlons plutôt de 50 000 morts et de plus de 100 000 dans toute la Chine, tout en supprimant le peu de libertés individuelles qui restaient aux Chinois… Alors, bonjour l’efficacité !
Mon dernier coup de gueule porte sur nos atermoiements autour des personnes porteuses du virus mais sans symptômes, les « asymptomatiques », contagieux, mais qui ne le savent même pas. Que doivent-ils faire ? Porter un masque ? Se rendre dans les hôpitaux « au cas où » ? Rester chez elles ? Purée ! Pourquoi ne pas exiger une détection SYSTÉMATIQUE de la population ? Cela permettrait de repérer tout de suite qui porte le virus et de prendre des mesures préventives, au lieu d’attendre une contamination communautaire inévitable et un engorgement du système de santé. Ah, mais j’oubliais, notre système de santé (quantités de personnel, médicaments, équipement) est celui d’un pays en développement.