-- Covid-19 et évaluation foncière: se fermer les yeux ?
Dans un projet de loi (PL67) présentement à l’étude à l’Assemblée nationale, dont le nom réfère à un « nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables », le ministère des Affaires municipales a inséré un article en fin de document, sans rapport avec le titre du projet de loi, proposant de restreindre le droit des propriétaires à une évaluation foncière fidèle à la réalité.
Depuis le début de la pandémie, les activités commerciales ont subi de profondes transformations, et tous ces bouleversements risquent d’avoir un effet sur la valeur foncière d’un grand nombre d’immeubles commerciaux.
Cette valeur foncière, révisée tous les trois ans, permet de déterminer combien de taxes municipales devront être payées annuellement par les propriétaires. La loi prévoyait déjà un mécanisme de révision ou de contestation, permettant d’ajuster la valeur foncière selon la nouvelle réalité du bâtiment.
Le projet de loi 67 prévoit bloquer cette option, spécifiquement à partir du jour 1 de la pandémie au Québec, le 13 mars. Ainsi, toutes les limitations fixées par l’État depuis cette date ne doivent plus être pris en compte dans la possibilité de revoir l’évaluation foncière, qui risque d’avoir des conséquences importantes dans plusieurs secteurs économiques. Littéralement comme si rien n’était arrivé.
Pourquoi se priver d’un mécanisme qui pourrait éviter des injustices ? La réponse est indiquée dans les documents du ministère : « des sommes très importantes en taxes foncières municipales pourraient être en jeu (…), créant ainsi une insécurité financière tant pour les municipalités que pour les propriétaires fonciers ». Tel que rédigé, le projet de loi oppose la stabilité des finances municipales à celles des entreprises.
Alors que le gouvernement souhaite assurer une relance économique, ce geste vient contredire le discours public. Frapper les espaces commerciaux et les lieux de travail, déjà lourdement affectés par la crise, c’est un frein évident à la relance. Nous sommes d’avis qu’advenant l’adoption des changements proposés, le gouvernement doit impérativement se doter d’un plan d’accompagnement des propriétaires fonciers qui seront pénalisés.
Les conséquences économiques de la pandémie se feront sentir encore pour longtemps. Dès lors, il faut trouver des solutions qui soient justes et durables.
Karl Blackburn, Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Jean-Marc Fournier, Institut de développement urbain (IDU)
Xavier Gret, Association Hôtellerie Québec (AHQ)
Michel Leblanc, Chambre de commerce du Montréal (CCMM)
Charles Milliard, Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
Véronique Proulx, Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)
Montréal