EDITORIAL
Critiquer nos dirigeants
Lorsque l’on écrit pour les médias, on s’expose parfois à de vives réactions. Le Bulletin n’y fait pas exception. J’avoue être impressionné par la véhémence de certains commentaires. Je pouvais m’attendre à ce que des lecteurs soient en désaccord avec mes analyses. C’est tout à fait compréhensible. J’ai écrit sur d’innombrables sujets dans les dernières années. Aucun n’a provoqué autant de mécontentement, que dis-je, de colère, que mes critiques sur les positions et agissements du premier ministre Harper.
Des lecteurs vont jusqu’à me demander de quel droit j’ose critiquer ce gouvernement puisque ce sont les citoyens qui l’ont élu. Disons qu’on est loin de l’esprit démocratique. Il s’agirait donc que quelqu’un soit élu pour que nous perdions automatiquement tous droits de le critiquer. Quelle sorte de démocratie aurions-nous ? Sans parler du fait que l’équipe conservatrice est loin d’avoir été élue par la majorité. Lors des trois dernières élections fédérales, les conservateurs ont obtenu 34%, 37% et 39% des voix. Notons aussi que seulement 60% de la population se prévaut de son droit de vote. Au final, seulement 24% de la population aura donc voté pour les conservateurs aux dernières élections. Peut-on vraiment parler d’un gouvernement représentatif ?
Ce n’est pas vraiment monsieur Harper que j’attaque, c’est ce qu’il représente. Je serais tout aussi critique si les libéraux ou le NPD prônaient les mêmes politiques. Je ne peux qu’être critique face à des gens qui nient les problèmes environnementaux, qui favorisent les inégalités sociales, qui prônent le profit individuel au détriment du bien-être commun et qui adoptent des positions internationales belliqueuses.
Depuis que j’écris pour le Bulletin, j’ai souvent espéré échanger avec certains de mes lecteurs. Toutefois, je n’aurais jamais pensé que ce serait avec des « Harperiens ». Il semble que ce soit ceux qui réagissent le plus spontanément à mes articles qui sont les plus enclins à m’écrire. Comme quoi on ne choisit pas toujours ses amis!
Cela m’a pris un temps, mais j’ai finalement compris pourquoi certains lecteurs réagissaient si fortement à mes commentaires sur les politiques conservatrices. On aurait pu penser qu’ils sont mus par un profond respect pour monsieur Harper. Ce n’est toutefois pas vraiment cela. Il m’est soudain apparu que l’explication était en fait beaucoup plus simple. Tous ces gens ont voté pour monsieur Harper. En critiquant les politiques conservatrices, c’est indirectement le jugement de ces électeurs que je remets en question. C’est comme de leur dire qu’ils ont mal voté, et cela, ils ne le prennent pas du tout. La nature humaine est orgueilleuse et il est toujours difficile de se faire dire que l’on pourrait avoir fait les mauvais choix.
Qui connaît l’avenir? Un jour, nous pourrions nous retrouver avec monsieur Mulcair à la tête de l’État. Si je suis toujours au Bulletin, il est fort probable que j’écrirai encore des éditoriaux critiques et c’est alors les sociaux-démocrates que j’aurai sur le dos. Ainsi va la vie!
Marcel Leclerc
info@bulletinaylmer.com
Commentary