ÉDITORIAL
“In hate we trust”
L’attentat d’Orlando qui visait le milieu gai nous a tous bouleversés. Certains voudraient en faire un acte simplement homophobe, sans rapport avec la religion. Y compris au Canada, société peu croyante, où le multiculturalisme ambiant nous pousse à respecter les cultures et les religions d’autrui, au point d’éviter les débats et de laisser dire les gens.
À Radio-Canada peu après la tuerie, lors d’une entrevue, un responsable musulman déclarait que ce n’était pas l’enseignement du Coran. Peu de temps après, une de mes étudiantes ontariennes (non-musulmane) partageait sur sa page Facebook un commentaire qui circulait : Omar Seddique Matteen n’était même pas un vrai musulman. Une manière de reporter la faute sur ses problèmes psychologiques, ses difficultés à assumer son orientation sexuelle, etc.
Étonnant, non? Alors j’ai creusé un peu plus en avant. Même si la pratique des religions en général, et en particulier des monothéismes (Judaïsme, Christianisme et Islam) devrait a priori rester dans la sphère personnelle (maison, lieux de culte), elle déborde sans cesse sur la vie publique. Pensez aux accommodements « raisonnables », aux écoles non subventionnées, à la guerre autour de la laïcité… Bref, il me semblait que la religion avait quelque chose à voir avec l’acte ignoble du tueur d’Orlando.
Attention, loin de moi l’idée de stigmatiser croyance en dieu ou dans une religion : chacun est libre de croire en ce qu’il veut, tant qu’il ne cherche pas à l’imposer aux autres, verbalement ou visuellement. Cependant, on ne peut pas laisser dire n’importe quoi non plus, sous prétexte de respect. Si les monothéismes sont des religions d’amour, comme ils le prétendent tous les trois, ils ne sont pas tolérants envers les homosexuels. C’est écrit. Et les écritures sont importantes pour ces trois religions cousines, n’est-ce pas? En tant que religions révélées à des humains (les prophètes), les écrits qui rapportent les paroles de ces mêmes prophètes équivalent à parole divine. Et à moins que le clergé – appelez-le rabbin, prêtre, pape ou imam – n’affirme haut et fort le contraire, un bon pratiquant suit, obéit, croit en ce qui écrit.
Chez les juifs, dans le Lévitique (l’Ancien testament des chrétiens, partagé aussi avec les musulmans), l’homosexualité est assimilée à une pratique idolâtre, donc condamnable, au même titre que la prostitution. La Torah dit que « c’est une abomination »; qu’« ils [les deux hommes] devront mourir. » L’épisode de la ruine de Sodome et Gomorrhe est célèbre; c’est un pêché très grave, une « perversion ». Dans le Nouveau testament des chrétiens (épîtres de Pierre et de Paul), c’est de la « débauche », une « chose monstrueuse » qui empêche d’accéder au paradis et les croyants sont pressés de s’en détourner. Dans les sourates du Coran, les homosexuels sont souvent associés au peuple de Lot : « transgresseurs », « ignorants », « outranciers » qui « [commettent] une turpitude ». Vous remarquerez certainement que ces expressions ne sont pas pires que celles des juifs ou des chrétiens. On peut y ajouter la Sunna (deuxième écrit officiel de l’Islam qui témoigne des paroles de Mahomet)… Elle les écarte de la communauté des croyants, les « maudit et ordonne : “tuez celui qui pratique l’acte et celui sur qui il est pratiqué”. »
À partir de là, et à moins que les croyants et leurs responsables soient prêts à admettre publiquement que croire n’est pas forcément appliquer ce qui est écrit dans leurs livres saints, il faut arrêter de dire que la religion n’a rien à voir dans l’homophobie ambiante : elle a contribué et continue encore de nourrir le terreau de l’intolérance.