ÉDITORIAL
#IRunWithMaud
Vendredi dernier, mes deux filles et moi avons couru en souvenir d’Ahmaud. Nous ne sommes pas américains, nous n’appartenons à aucune minorité visible, mais nous sommes révoltés. Une fois de plus. Comment dans nos sociétés, en 2020, peut-on encore assister à de tels faits divers ou injustices ?
Petit rappel des faits : le 23 février, Ahmaud Arbery, un jeune homme de 25 ans fait son jogging habituel dans son quartier, à Brunswick, en Georgie. Sur son itinéraire, il passe devant la maison de Gregory McMichaels. Ce dernier croit reconnaitre l’auteur de vols par effraction dans le quartier. Son fils et lui décident de se lancer à la poursuite du suspect afin de l’intercepter. Ils montent dans leur pick-up, rejoignent Ahmaud et l’interpellent d’abord verbalement. Le coureur ne répondant pas à leurs invectives, ils lui coupent la route et le fils McMichaels sort du véhicule en le menaçant. Ah ! J’avais oublié de préciser qu’Ahmaud Arbery était noir et que les McMichaels étaient armés de pistolets. Le jeune homme ne se laisse pas faire, il lutte avec son agresseur. Deux coups de feu retentissent : depuis l’arrière du pick-up, le père McMichaels a appuyé sur la gâchette à deux reprises. Ahmaud Arbery s’écroule, touché à mort. Il a fallu que soit publiée il y a quelques jours une vidéo prise en direct par un ami des McMichaels pour que les deux assassins soient arrêtés. En effet, depuis février, ils n’avaient même pas été inquiétés par la police, malgré la plainte pour meurtre déposée par la famille.
Même si cet exemple peut vous paraitre caricatural, même si certains rétorqueront que ces deux racistes s’en seraient de toute façon pris à Ahmaud d’une autre manière, je ne peux m’empêcher de penser que le fait qu’ils aient possédé des armes à feu a joué un rôle. Selon moi, ce drame était évitable. En limitant l’accès à une arme à feu pour commencer. Pas si simple quand on voit la difficulté de Trudeau à faire adopter et appliquer un règlement (DORS/98-462) interdisant les armes d’assaut de type militaire au Canada.
Qui peut penser qu’avoir une arme chez soi ou sur soi, en particulier une arme à feu, qui rend la tâche d’enlever la vie si facile, d’une simple pression sur la gâchette, ne présente aucun danger ? Et posséder un fusil d’assaut capable de décharger plusieurs centaines de balles par minute, pour… Pourquoi déjà ? Pour se protéger ? À quoi servent l’éducation, les lois et la police alors ? En vue de la fin du monde ? Vous regardez trop de séries TV. Pour chasser ? Sérieusement ? Sur la voie du progrès de nos sociétés modernes et pacifiques, interdire les armes à feu est une étape nécessaire. Et le gouvernement libéral a eu le courage de le faire, reconnaissons-le. Dans sa générosité (ou sa lâcheté, en fonction de la perspective), les propriétaires ont même jusqu’au 30 avril 2022 pour se débarrasser de leur arme de guerre, qui leur sera rachetée… à moins qu’ils se prévalent d’un droit acquis. Ce qui est déjà trop gentil à mon goût. Et tant pis pour tous les conservateurs, les Canadiens de l’ouest ou les fans de l’autojustice. Cela n’empêche d’ailleurs nullement les autorités de s’attaquer à la contrebande. Simplement, il faut se souvenir d’une équation très simple : davantage d’armes = davantage de morts.