ÉDITORIAL
Le prince est mort, vive le prince !
Au moment où j’écris ces lignes, j’écoute distraitement sur TV5 Stéphane Bern, LE spécialiste français de la monarchie, incontournable sur les châteaux, les lignées consanguines… ou les funérailles des princes. Et là, il s’agit évidemment du Prince Philip, le mari de la cheffe d’état du Canada, notre reine, Elizabeth II. Rien que ça ! Je suis presque surpris que le gouvernement Trudeau ne décrète pas une période de deuil national, comme au Royaume-Uni.
À l’occasion du décès de Lord Mountbatten, à l’âge vénérable de 99 ans, j’ai appris plusieurs faits étonnants le concernant. Par exemple : il était colonel d’un régiment canadien. Je l’ai alors imaginé à la tête de ses hommes, sabre au clair, en train de charger bravement l’ennemi, si le Canada entrait en guerre… Autre chose : Elizabeth et lui seraient tombés amoureux, alors que lui avait 18 ans et elle… 13 ans ; un peu comme un gars qui, en rentrant du Cégep, croiserait une charmante secondaire 1 devant l’école secondaire Grande-Rivière ! Vous voyez le tableau ?
Ah ! oui, il était très moderne, et même, avant-gardiste, selon les spécialistes de la monarchie — ce régime politique antique. Enfin, pour un prince. Passons sur son engagement écologique — il a été l’un des premiers présidents du fonds pour la nature WWF, avec son bon ami le prince Bernhard des Pays-Bas, tous deux sympathisants du Führer dans leur jeunesse… Il a été le premier à autoriser des caméras de télévision filmer sa vie privée, à l’occasion d’un barbecue familial, l’ancêtre de la télé-réalité… Il aurait également suggéré à son épouse de se mêler à la foule ! Incroyable, non ? Avant ça, une reine ne touchait jamais l’un de ses sujets, elle s’en tenait à distance respectable. Il aurait donc été un rebelle : comment ne pas l’être dans le carcan de l’étiquette royale ? Contre le tralala et les chichis des cérémonies costumées, il a ainsi demandé des funérailles toutes simples, au château de Windsor. Bon, les conditions sanitaires de la pandémie l’y auraient bien aidé de toute façon.
Attention, je ne nie pas les qualités humaines de cet amateur de voiture de course et de belles femmes, un homme hors du commun ; d’ailleurs l’expression est très claire : le « commun », c’est nous, et il n’a jamais su ce qu’est une vie « commune », standard, pour gagner son pain. Il aura quand même été l’initiateur du Duke of Edinburgh Award, un programme visant à récompenser les jeunes les plus impliqués et actifs dans leur communauté. Bonne initiative, bien implantée dans le monde anglo-saxon et, comme on l’a entendu, à l’image de son fondateur. En même temps, son travail consistait à représenter le système pyramidal qui le nourrissait : plus facile de faire la leçon, créer des fondations, etc. que lorsque tu dois travailler 50 heures par semaine, au salaire minimum, pour faire vivre ta famille.
Enfin, avec ses milliers de participations à des évènements officiels à travers le monde, on le dit volontiers « globe-trotter ». Il a dû l’être, littéralement : en plus de 70 ans de règne avec son épouse, ça en fait, des kilomètres. De là à en faire un vrai voyageur altruiste et ouvert sur les autres cultures, s’il vous plait ! On parle de l’ex-Empire britannique, qui possède encore des « dominions », dont le Canada.