LETTRE
Le Shérif de Notthingham contre Airbnb
Il fut un temps, en Irlande, où les catholiques n’avaient pas droit de propriété. Ils se retrouvaient le plus souvent à la merci de riches propriétaires qui leur permettaient de cultiver un lopin de terre et de payer des taxes mais jamais de chasser, ce privilège étant réservé à la noblesse. Malgré la famine, le père de famille qui aurait osé braconner un lapin pour nourrir ses enfants risquait la pendaison ou l’exil vers l’Australie s’il se faisait prendre par le Shérif de Nottingham.
Au Québec, le marché du logement touristique est réservé à une industrie transnationale et quelques gîtes modestes opérant sous permis, contrôlés par l’état qui en tire des revenus considérables : coût des permis, taxes municipales, impôt sur le salaire des employés, taxes de vente et surtaxe pour chaque nuitée d’hébergement, sans oublier une petite part des profits des entreprises... quand ces profits ne sont pas transférés au Bahamas. L’ensemble de cette règlementation rend le coût de l’hébergement prohibitif pour maints touristes qui ne peuvent refiler la facture à un employeur. Comme durant la période noire de l’Irlande, des citoyens astucieux tentés par le braconnage offrent en location de l’espace inoccupé à des tarifs acceptables. Intéressant pour le touriste qui n’a pas les moyens de loger au Hilton, intéressant pour le citoyen qui peut arrondir ses fins de mois en partageant son espace, intéressant pour l’économie locale mais extrêmement irritant pour le lobby de l’industrie hôtelière qui assiège les autorités municipales et québécoise. Ému, M. Couillard mobilise son Shérif de Nottingham et réclame de Tourisme Québec qu’il procède à la mise au pas ou à la ruine immédiate des contrevenants à l’ordre établi.
Dommage que Robin des Bois n’ait pas encore été alerté.
L’auteur préfère ne pas signer de crainte de devenir la cible du Shérif.
(Aylmer)