LETTRE
Les corbeaux de la Justice
Tony Accurso reconnu coupable de complot, fraude et tutti quanti. Déclaré coupable sur cinq chefs d’accusation, rien de moins. Mais attention : il n’a pas encore reçu sa sentence. Passible de dix ans de prison, vous croyez que l’homme d’affaires coupable écopera d’une décennie en tôle ?
Au lendemain du prononcé de sa culpabilité commence le ballet des avocats. Le représentant de la Couronne et l’avocat de la défense vont s’asseoir… et négocier. Comme des marchands de tapis au souk. Les deux corbeaux ont tout bonnement à gagner dans l’affaire. Le procureur a de bonnes cartes en main : l’accusé est coupable, le catalogue des sentences applicables met la barre jusqu’à dix ans d’incarcération, l’homme est célèbre. L’avocat de la défense peut aller en appel, gagner du temps, invoquer un vice de procédure… La partie de poker peut débuter entre les deux porteurs de toge. Il y a fort à parier qu’ils en viendront à une entente. Où la Couronne recommandera une peine amoindrie pour toutes sortes de prétextes délirants. Que la défense acceptera d’emblée, ravie. Et que le juge imbécile entérinera vite fait. Le procureur de la Couronne jubilera : il aura gagné un procès retentissant, en envoyant un accusé médiatisé derrière les barreaux au seul prix d’une sentence bonbon de x années. Bon pour la carrière ça ! L’avocat de la Défense sourira d’aise : dans une cause perdue, il aura réussi à obtenir une réduction de prison substantielle pour son client. Bon pour la carrière ça !
Dans l’affaire Accurso, les naïfs voudront voir un triomphe de la Justice. Erreur : une victoire du Système judiciaire. Si la Justice est aveugle, le Système judiciaire, qui l’a supplantée, sait y faire. Avec ceux qui l’habitent et qui en émergent, juges, avocats et procureurs, qui savent voir clair eux.
Francois Brisebois,
Aylmer / Gatineau